lundi 22 août 2022

Jeanne Franck, épouse de Fernand de Brinon

Tout opposait Jeanne Louise Rachel Franck et son mari Fernand de Brinon. De onze ans plus jeune, elle est née à Paris le 23 avril 1896, en pleine affaire Dreyfus, dans une grande famille bourgeoise juive alsacienne d’origine belge. 

Brinon, né le 16 août 1885 à Libourne, est issu de la noblesse déchue du Bourbonnais. Journaliste, fondateur du comité France-Allemagne en 1935, il sera l’Ambassadeur de France de Pétain à Paris durant toute la période de l’Occupation allemande. Condamné à mort par la Haute Cour de Justice le 6 mars 1947, il sera fusillé le 15 avril 1947 au fort de Montrouge.


Celle que ses proches surnommaient affectueusement Lisette, restera solidaire de son mari jusqu’au bout.
Comme écartelée entre ses origines et sa condition d’épouse de celui qui sera désigné le « traître intégral » après la Libération. (photo ci-contre, couverture du livre de B. Ullmann. DR)

Arrêtée en mai 1945, inculpée d’atteinte à la sureté extérieure de l’État et d’intelligence avec l’ennemi, Mme de Brinon retrouva la liberté en septembre 1945 après trois mois passés à la prison de Fresnes. Finalement son dossier sera classé sans suite...


Quelle force a bien pu pousser cette femme au destin hors du commun à rejoindre son mari dans sa fuite à Sigmaringen, le « nid » des derniers ultras de la France vichyste ?


Épouse délaissée, trompée, déshéritée par son mari au profit d’une secrétaire particulière devenue sa légataire universelle, la veuve Brinon vivra endettée jusqu’à la fin de sa vie, touchant de modestes revenus de traductions de romans et de ventes de vins de Bordeaux. 

Abandonnée par la « bonne société » d’après-guerre, sa solitude sera égaillée par de rares amitiés comme celle de Jacques Benoist-Méchin, journaliste « collabo », condamné à mort gracié en 1947, et de Roger Peyrefitte, diplomate reconverti dans une carrière littéraire.


En mauvaise santé, elle tira sa révérence à 86 ans, le 26 mars 1982 à l’hôpital de Montmorency (devenu hôpital Simone Veil en 2002), un an après avoir quitté son appartement loué près de la place Saint-Philippe-du-Roule, où elle aurait tant voulu mourir. 

À presque 39 ans, Jeanne Franck avait dû se convertir au catholicisme pour pouvoir épouser religieusement Brinon, après que son premier mariage, remontant à janvier 1916, soit annulé par le Pape.

Inconsolable après la mort en 1912, de son frère Henri Franck, poète et brillant normalien de la rue d’Ulm, emporté par la tuberculose à 24 ans, Lisette adoucira ce choc psychologique auprès de Claude Ullmann, un courtier de la Bourse de commerce, issu d’une famille de la plaine Monceau sortie du ghetto de Francfort. 

Fantasque, joueur de violon, il ira se battre dans les tranchées de l’Argonne. Deux enfants naîtront de cette première union. 

René Franck, le père de Lisette, embauchera son gendre revenu du front dans sa société de courtage de sucre.

Pour tourner la page de la Grande Guerre, Mme Ullmann reçoit la « jet set » des années vingt dans son salon de la rue de Seine. Artistes et relations d’affaires se croisent : Aragon, Cocteau, Drieu la Rochelle, Ève Curie, son cousin Emmanuel Berl qui rédigera les premiers discours de Pétain, sa cousine éloignée Jeanne Bergson, fille sourde et muette du philosophe. 

Lisette a besoin de paraître pour s’imposer. 


Un grand nez...


Elle est complexée par son physique, « petite, dotée d’un grand nez qui fit son désespoir », rappelle son fils Bernard Ullmann, dans son livre « Lisette de Brinon, ma mère - Une juive dans la tourmente de la Collaboration », paru en 2004 (Éditions Complexe) où il dresse un portrait plein de tendresse. (p. 14)

Le nez a toujours été un objet de moquerie chez les antisémites...

Fait rare pour une femme de cette époque, Lisette passe son permis de conduire à 24 ans. 

Lorsque les vacances arrivent, elle roule vers les Pyrénées pour rejoindre la propriété de la famille Franck à Orriule, non loin de Salies-de-Béarn.

Peu à peu le couple s’effiloche et divorce en 1934. La garde des deux enfants mineurs est confiée au père qui se suicidera en avril 1936.

Dès le printemps 1935, Lisette officialise sa relation avec Fernand de Brinon, alors âgé de 49 ans. Brinon, tombé sous le charme, cessa sa relation avec la comédienne Yvonne Ducos.

C’est à Genève, début 1932, dans un hôtel où descendaient des diplomates de la Société des Nations, que Brinon venu assister à la conférence sur le désarmement, fera la connaissance de Mme Ullmann, alors en relation avec René Massigli - un ancien camarade d’Ulm de son regretté frère Henri - devenu haut fonctionnaire au Quai d’Orsay, nommé ambassadeur en Turquie de 1938 à 1940, et futur commissaire des Affaires Etrangères de la France Libre.

Licencié en droit, Brinon préféra le journalisme au barreau. 

Ses débuts en 1908, à 23 ans, au conservateur Journal des débats seront interrompus par la Grande Guerre. Mobilisé  en 1914 comme officier informateur au GQG - le Grand Quartier Général -, il est remarqué à Verdun par le général Pétain. 

La paix retrouvée, il reprend la plume et couvre la signature du traité de Versailles. Il développera des relations avec les « pacifistes » Aristide Briand et Pierre Laval.

Dès 1924 il sera dans les petits papiers d’Édouard Daladier, alors ministre des Colonies.

Une proximité renforcée lorsque celui-ci devient président du Conseil et ministre de la Guerre le 31 janvier 1933, au lendemain de l’accession d’Hitler à la chancellerie du Reich.

Pour « services rendus dans ses missions à l’étranger » Daladier fait même élever Brinon au grade d’officier de la Légion d’honneur.

En Allemagne, cette intimité n’échappe pas à Ribbentrop, futur ministre des Affaires étrangères du IIIe Reich, qui facilitera les reportages de Brinon outre-Rhin. Le journaliste a l’avantage de parler l’allemand, et il participe volontiers aux chasses des dignitaires nazis. 

Ribbentrop lui fait rencontrer Goebbels et Rudolph Hess. C’est encore grâce à Ribbentrop que Brinon, en ambassadeur secret de Daladier, rencontrera Hitler, à Berchtesgaden, le 9 septembre 1933, dans le but de préparer une rencontre avec le chef du gouvernement français. Un « sommet » finalement refusé par le « taureau du Vaucluse », qui chargera Brinon de retourner à Berlin pour échanger avec les représentants d’Hitler à propos du désarmement. 

Mais un mois plus tard, le 14 octobre 1933, l’Allemagne se retire de la SDN et de la conférence sur le désarmement…


Toujours grâce à Ribbentrop, Brinon sera de nouveau reçu par Hitler, le 16 novembre 1933 à la chancellerie du Reich pour une interview exclusive publiée le 23 dans le quotidien Le Matin

Une première dans la presse française, cinq mois après la prise de pouvoir du futur dictateur. Le scoop est mémorable et L’Information, quotidien racheté par la banque Lazard, également propriétaire des Débats, donna même son accord à la publication d’extraits de l’interview.

Brinon devient une plume respectée et redoutée.


Mariage religieux à Saint-Sulpice


Le 15 novembre 1934, le mariage civil de Jeanne Louise Rachel Franck et Fernand de Brinon a lieu à la mairie de Neuilly-sur-Seine où réside le couple. Le marié a pour témoins le chef de cabinet de Daladier et le comte de Calèche, directeur du Journal des Débats. Les témoins de la mariée sont la comtesse Anne-Jules de Noailles, et Philippe Clément, l’époux de sa meilleure amie, Colette Mayer-Grünbaum, Juive convertie comme elle, médecin et écrivaine sous le nom de Constance Coline. 

Le 17 novembre, le mariage religieux est célébré en l’église Saint Sulpice à Paris, en face de la mairie du VIe où dix-huit ans plus tôt elle épousa civilement Claude Ullmann. 

À l’île Saint-Louis, au 24 quai de Béthune, les Brinon louent deux appartements, un de six pièces, bien meublé et décoré, et le second réservé aux deux enfants de Lisette. 

Fidèle à ses habitudes mondaines, Mme de Brinon voit défiler dans son salon des partisans du rapprochement franco-allemand, « l’ami » Ribbentrop - futur ministre des Affaires étrangères d'Hitler -, mais aussi le gotha de la finance et de la banque et toujours son cousin Emmanuel Berl, qui dirige alors l’hebdomadaire de gauche Marianne


Quel rôle exact a-t-elle pu jouer auprès de son mari dans son aveuglement pro-allemand ? 

Bernard Ullmann, dans son livre, rappelle que « prudente, Lisette ne cherche pas à se mêler à l’activité professionnelle de son mari » (p. 89)

« En maîtresse de maison accomplie, elle accueille avec le sourire les relations fort nombreuses de son mari : politiciens, diplomates, banquiers, journalistes, diplomates anglais, américains, polonais et, en nombre croissant, nazis de haut rang (…) Dans ces dernières années de l’entre-deux guerres, c’est un peu un Who’s Who du Paris de l’Occupation et de l’Épuration qui vient s’asseoir à la table des Brinon » (p. 94)

Elle est aux côtés de son mari lorsque Brinon assiste en septembre 1935 au congrès de Nuremberg où seront officialisées les premières lois anti-juives. 

En octobre, il retourne à Berlin à la demande de Laval pour échanger avec Hitler et Ribbentrop sur les dangers du bolchévisme. Accompagné de son épouse, Brinon est accueilli à bras ouverts. 

En février 1936, ils assistent ensemble aux Jeux Olympiques sous les oriflammes nazis des croix gammées... 

Le biographe Gilbert Joseph, dans « Fernand Brinon, l’aristocrate de la collaboration », (Albin Michel 2002) note qu’elle est « ravie de l’accueil plein de déférence des dignitaires nazis qui s’inclinent devant elle et lui baisent la main. Elle approuve pleinement l’évolution de son mari parce que, plus à droite que lui et pacifiste comme lui, elle voit dans l’Allemagne hitlérienne la défense avancée et résolue contre le communisme, et que son catholicisme flambant neuf lui confère une certaine distance vis-à-vis de la communauté juive ». (p. 146)


Bernard Ullmann résume autrement la notoriété de son beau-père et le ressenti de sa mère : « Il était, je ne tarderais pas à l’apprendre, non seulement un journaliste très en vogue et bien rétribué, mais aussi un personnage fort bien en cour, tant dans les milieux politiques que dans ceux de la haute finance. Son titre de comte, sa courtoisie un peu distante, la connaissance qu’on lui prête des hommes du jeune régime nazi, mal connus mais entourés d’une sombre auréole, en imposent à plus d’un. À commencer par sa future femme, naïvement ébaubie par la perspective de devenir Madame la Comtesse et de pénétrer, à son bras, dans un monde politique et journalistique qui la fascine et qui lui était resté jusqu’alors inaccessible ». (p.75-76)


Lorsqu’en 1938, le père de Fernand, Robert de Brinon, meurt, son fils devient marquis et Lisette peut porter le titre de « Marquise » de Brinon.

En tant que vice-président du Comité France-Allemagne, Brinon multiplie les conférences en Allemagne. En décembre 1938, deux mois après la signature des accords de Munich, le Comité France-Allemagne organise un déjeuner d’apparat à l’hôtel Crillon et le soir, à l’ambassade d’Allemagne, un banquet réunira le gouvernement présidé par Daladier, à l’exception des ministres juifs. 

Ribbentrop est aux côtés de son homologue français Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères. Brinon et son épouse participent aux agapes.

Un an plus tard, le 7 décembre 1939, autre repas d’apparat du Comité France-Allemagne, en l’honneur de Ribbentrop venu signer à Paris « le traité franco-allemand de bonne entente », Lisette sera l’une des seules invités « israélites », précise Bernard Ullmann dans le livre consacré à sa mère (p. 100).


Lorsque la guerre est déclarée en septembre 1939, les Brinon quitteront le quai de Béthune pour se réfugier chez les Franck dans les Basses-Pyrénées. La ligne de démarcation partage en deux le département mais Orriule se trouve en zone libre.


Abetz conseille à Brinon de divorcer


Après cinq ans de mariage, le couple bat de l’aile. Brinon, co-tuteur des enfants Ullmann, aurait envisagé de divorcer, souligne l’historien Gilbert Joseph dans son livre «  Fernand de Brinon, l’aristocrate de la Collaboration » (Albin Michel 2002, p. 201). 

Bernard Ullmann note également qu’Otto Abetz « aurait même conseiller à Brinon de divorcer. Une recommandation de ses amis allemands que, pour une fois, il n’a pas suivie » (p. 142)

Le projet sera ajourné en raison de la loi du 12 avril 1941 restreignant le divorce des juifs.

Le fils de Lisette évoque la situation particulière du couple en ces termes : « tout en reconnaissant que, du fait de la séparation forcée des années de guerre, leur ménage « n’allait pas très bien », elle arguera, fermement, sans jamais se démentir, que c’est par attachement et par admiration pour ce mari à présent tant décrié qu’elle a tenu à tout prix à le rejoindre en Allemagne » en mai 1945. (p. 154-155)

Face à l’implacable Statut des Juifs d’octobre 1940, Brinon obtient des autorités allemandes le précieux Ausweis permettant à son épouse, épouse d’ambassadeur, de franchir la ligne de démarcation pour se rendre dans la Creuse, au château de La Chassagne, à Felletin, propriété familiale des Brinon. 

Lisette y passera beaucoup de temps, se chargeant du suivi d’importants travaux de rénovation. Lorsque Brinon vient, elle sauve les apparences en s’affichant en sa compagnie. Outre ses sauts de puce à Vichy tout proche, elle va respirer à Paris deux ou trois fois par an. Elle a l’habitude de  descendre à l’hôtel Bristol.

Le directeur de l’établissement, cité comme témoin par son avocat lorsqu'il lui faudra rendre des comptes, confirmera ces séjours de trois à quatre jours, à partir de fin 1942 : «  Elle ne recevait personne. Une seule fois, elle recevra M. de Brinon, le temps du repas. Elle n’a jamais reçu d’Allemands ni de personnages politiques ».

La secrétaire et maîtresse de Brinon, Simone Mittre, également citée comme témoin, précise que Lisette venait « quelques fois rendre visite à son mari place Beauvau ».


Derrière la sollicitude apparente de Brinon vis-à-vis des origines israélites de son épouse, il mène une double vie. Sa femme écartée de sa vie parisienne, il peut entretenir tranquillement sa liaison avec Simone Mittre, à ses côtés depuis le Journal des débats en 1920 où elle entra comme dactylo, sur recommandation de Joseph Kessel. Née le 19 mai 1897, elle a un an de moins que Lisette.

Déjà, quai de Béthune, elle disposait d’un bureau et gérait aussi les affaires familiales de Monsieur. Brinon l’a aussi hébergée pendant la période de la guerre à La Chassagne où elle vivait avec sa mère, infirme, et ses deux soeurs.

À compter du 15 juillet 1940, après avoir quitté son refuge d’Orriule, l’ascension de Brinon sera fulgurante : il rallie Vichy, où cinq jours plus tôt Pétain obtenait les pleins pouvoirs d’une majorité de parlementaires. Laval chargera Brinon de nouer contact avec Abetz, alors conseiller diplomatique du commandant des forces d’Occupation. 

Le 3 août, il devient ambassadeur d’Allemagne en France et le restera jusqu’au débarquement allié en Normandie avant de fuir à Sigmaringen. 

Dans Paris occupé, Brinon sera l’unique représentant du gouvernement de Vichy, installé à Matignon, au plus près de Laval. Mme Mittre y travaille et dispose d’un appartement sur place.


Pendant tout ce temps, alors que Lisette est quasi invisible aux côtés de son mari à part ses rares incursions à Vichy ou à Paris, Mme Mittre sera omniprésente. 

Le 18 novembre 1940, Brinon devient aussi délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés. Il occupe l’ancien bureau du ministre de l’Intérieur place Beauvau où Simone Mittre constitue son cabinet et occupe le poste de chef du secrétariat particulier.

Le 16 juillet 1941 Brinon écrit au préfet de la Seine pour obtenir comme logement de fonction l'hôtel particulier de la princesse de Faucigny-Lucinge, juive et spoliée, fille du banquier Ephrussi, au n° 2, rue Rude. Dès le lendemain, l’immeuble est réquisitionné par la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés.

Ce bâtiment d’une vingtaine de pièces sur 2.500 m2 se trouve à l’angle de la rue Rude et de l’avenue Foch. Simone Mittre s’y installe. 

Prenant le rôle de maîtresse de maison par procuration, elle organise des réceptions où défilaient les dignitaires allemands, les SS, mais aussi des artistes français comme Cocteau, le danseur étoile de l’Opéra Serge Lifar, les actrices Arletty, Marie Marquet, Madeleine Renaud, l’écrivain Céline.


Exil intérieur


Mme Mittre a littéralement pris la place de Mme de Brinon contrainte à « l’exil intérieur ». Après guerre, Simone Mittre exprimera sa rancune : « Mme de Brinon, que son mari tenait éloignée pour des raisons personnelles, ne pouvant admettre sa disgrâce, se chargeait de me faire une publicité désobligeante et déplacée pour justifier son isolement qui, d’ailleurs, n’avait rien à voir avec sa race puisqu’elle vivait à Vichy au Majestic et venait à Paris quand elle le voulait ». (Simone Mittre à M° Campana AN 411 AP 8)


En décembre 1940, reclue en Creuse et dans son Béarn, Mme de Brinon décide d’aller passer deux jours à Vichy, avec son fils Bernard, alors étudiant à Montpellier. Un vrai défi au coeur du pouvoir de la Révolution nationale !

Deux jours importants dans l’histoire de la Collaboration où ils croiseront furtivement mari et beau-père dans le hall de l’hôtel du Parc, le QG de Pétain. 

Brinon vient d’exposer au maréchal le programme  de la réception solennelle des cendres de l’Aiglon, le fils unique de Napoléon, fixée au 15 décembre 1940, rapatrié par train spécial en provenance de Vienne. 

Sauf que Pétain n’ira pas aux Invalides. Hitler, furieux, enverra Goering à sa place, et Abetz remettra les cendres du Duc de Reichstadt à… l’amiral Darlan, en lieu et place de Laval que Pétain a renvoyé le 13 décembre !

Ce soir là, Laval « le révoqué » dinera avec Brinon, avant d’être reconduit sous bonne escorte dans sa propriété de Châteldon, à 25 km de Vichy.

À 22 h, Brinon rejoint Lisette et son fils dans leur chambre de l’hôtel Majestic. Bernard Ullmann raconte cet épisode cocasse : « Fernand intime à Lisette l’ordre de se taire. Des micros ont sans nul doute été mis en place. Il ignore encore s’il va être, lui aussi, arrêté le lendemain matin, ou s’il ne s’agit là que d’un confinement de quelques heures. Vers minuit, n’y tenant plus, Lisette, en peignoir, tourne la poignée de la porte, qui n’est pas verrouillée de l’extérieur. Elle se rue dans le couloir où patrouillent des « GP » (Ndlr : gardes de protection) et s’écrit, d’une voix stridente : « On veut assassiner mon mari ! ». Celui-ci, exaspéré, la ramène sans ménagement dans la chambre. Lisette a vraiment oublié la règle essentielle, celle de ne pas se faire remarquer, en un moment particulièrement inopportun, et Brinon en tirera les leçons pour l’avenir. Il l’a tiendra plus que jamais à l’écart de sa vie publique » (p.119)

"Aryenne d'honneur", protégée par les clauses de sauvegarde de l'article 8 du Statut des Juifs de Pétain, à l'abri de la Gestapo mais recluse... 


Exemptée provisoirement de l’étoile jaune


À compter du 13 juillet 1942 - trois jours avant la rafle du Vél d’Hiv - Lisette bénéficiera d’une exemption du port de l’étoile jaune. Un certificat provisoire lui sera délivré, valable jusqu’au 31 août  1942. (CDJC-XXVa 174)

Ce délai sera prolongé pour une nouvelle durée de trois mois, « dans la mesure où il existe encore d’autres motifs de dérogation au port de l’étoile juive » peut-on lire dans le document officiel signé par le SS-Sturmbannführer Hagen. 

Ce « privilège » sera officialisé le 25 août par une note de Röthke, le chef du service juif de la SS de Paris, où elle figure en tête d’une liste de 26 noms de personnes. 

Suivent, trois exemptions sollicitées par Pétain, huit pour « de pressants motifs économiques », sept à la demande des services de renseignements allemands, six pour des juifs travaillant avec la police anti-juive, sept autres exemptions relèvent de demandes de l'AST (contre-espionnage), six exemptions concernent des Juifs « travaillant avec la police anti-juive » et une demande provient du bureau VI N1 (service de renseignement du SD).


Le 1er juin 1943, Hagen transmettra à Brinon, trois certificats d’exemptions, limités jusqu'au 31 août 1943. Jusqu'à cette date, Mme de Brinon, la marquise de Chasseloup-Laubat et la comtesse Bertrand d'Aramon devront établir avec certitude leur ascendance. (CDJC-XXVa 206a )

Et pendant ce temps là, sur les ondes brouillées de la BBC, Pierre Dac fredonne ce refrain : « Vot’femme n’est pas aryenne / Et ron et ron, Monsieur de Brinon »…


Attentat raté contre Brinon...

Georges Mandel assassiné...


Nommé président du comité central de la LVF par Laval en février 1943, Brinon devient une cible. Déjà, en décembre 1942, le gardien de son domaine de Felletin avait obtenu un port d'arme de défense et de chasse, attestant des craintes d'attentat.  Une autorisation donnée par René Bousquet à Vichy (96 W2 Archives départementales de la Creuse).

Passionné de courses hippiques, Brinon avait réquisitionné une maison près de l’hippodrome de Chantilly, au Mont de Pô à Gouvieux, où il se rendait presque tous les week-ends en compagnie de Simone Mittre. 

Le 14 octobre 1943, Brinon est réveillé vers deux heures du matin par deux explosions. Projetés à un mètre, ils n’ont que quelques égratignures. Des explosifs avaient été placés sur le rebord de la fenêtre de la chambre.

Brinon accusera les communistes de cet attentat dont les auteurs resteront introuvables.

Après le débarquement du 6 juin 1944, les évènements s’accélèreront. 

Le 28 juin, Philippe Henriot est abattu au ministère de l’Information. Le 4 juillet, Georges Mandel est assassiné par la Milice. 


Après le débarquement allié de Provence, le 15 août, ministres et collabos prennent la direction de l’Est.

L’historien Gilbert Joseph indique que ce même 15 août, Brinon est convoqué à l’ambassade d’Allemagne où Abetz lui annonce qu’il doit se tenir prêt à partir le lendemain, Laval étant emmené à Nancy : « Le matin du 16 août, Brinon s’étant rendu pour la dernière fois à son bureau de la place Beauvau, réunit ses principaux collaborateurs et leur demande, sans grand succès, de le suivre à l’Est, à Belfort où le gouvernement doit se replier. Dans la journée, il signait un chèque de cent cinquante mille francs destiné à son épouse. On ignore si Brinon lui remit ces fonds en mains propres et même s’il la revit avant son départ, mais nous savons par Simone Mittre qu’Alphonse de Châteaubriant, avant de se réfugier en Allemagne, avait révélé à Mme de Brinon la destination future de son mari ».  (p.486)


Visas refusés pour la Suisse


Le 18 août, Mme de Brinon est conduite à Vichy où elle voulait obtenir un visa pour la Suisse, pour elle et son mari. Un « sésame » refusé par les autorités helvétiques le 24 août.

Le 25 août, alors que Paris se libère, Mme de Brinon quitte Vichy avec la colonne de la Milice.

Brinon fait route avec Mme Mittre pour Nancy où ils sont hébergés par un allemand qui dirigeait le journal L’Écho de Nancy. Seul, le 28 août, en compagnie de Darnand et Abetz, il rejoindra Ribbentrop  près de Rastenbourg. Le 1er septembre, la délégation française regroupant Brinon, Déat, Darnand, Marion, est reçue par Hitler à la Tanière du loup. 

De retour à Belfort, le 3 septembre, Brinon s’apprête à quitter la France.

Le 8, Mme de Brinon arrive à Nancy pensant y trouver son mari. Elle se rend à Belfort, mais il n’y est plus. Il a pris la direction du château de Sigmaringen où la délégation gouvernementale s’installe, Abetz occupant pas moins de vingt-huit pièces.

Arrivée à Sigmaringen, venant de Constance, Mme de Brinon, sera logée en dehors du château, et croisera Mme Mittre et Jacqueline Marchand, une autre secrétaire et maîtresse de Brinon.
Gilbert Joseph fait état d’une ordonnance d’un chirurgien, datée de mars 1945, pour le traitement d’un adénome de la prostate et une infection urinaire, qui « sème le doute sur les activités amoureuses de Brinon » (p. 532, AN 411 AP 8)

Le 21 avril à l’aube, Brinon et consorts prennent la direction de Salo, en Italie, capitale de la République fasciste de Mussolini. À Innsbruck son convoi de onze personnes est bloqué, seuls les convois militaires étant autorisés. 

Le 24 avril, ils arrivent à Hoch Finstermünz. Mme de Brinon laisse son mari et ses deux secrétaires et se présente le 25 avril à la frontière suisse. En vain.

Pétain arrêté est transféré au fort de Montrouge. Laval a réussi à rejoindre l’Espagne. Le 30 avril, Hitler s’est suicidé. Le 2 mai, l’Allemagne capitule et les Russes occupent Berlin.


Direction la prison de Fresnes


Brinon et son épouse décident de se rendre aux Américains le 8 mai 1945, à la frontière austro-suisse, à Nauders. Le 9 mai, Brinon et ses trois femmes sont remis aux troupes françaises à Lindau, sur le lac de Constance où est cantonnée la Première Armée française.

Brinon restera dans une cellule jusqu’au 18 mai.

Transféré à Paris le 20 mai, inculpé, Brinon est renvoyé en prison à Fresnes où ses troubles urinaires s’aggravent. 

Le 23 mai, Lisette de Brinon rejoindra la division des femmes de Fresnes, où elle occupe seule une cellule.

Interrogée le 21 mai 1945, par le commissaire André Michel, elle s’explique en détails sur son départ pour l’Allemagne : «  Le 16 août 1944, lorsque mon mari est parti avec le gouvernement pour Nancy, j’ai décidé de me rendre également dans cette ville, mais de ne pas quitter la France. Je ne pouvais du reste pas me rendre en Allemagne puisque je ne possédais pas de papiers m’autorisant à aller dans ce pays. Me trouvant à Belfort sans nouvelles de mon mari, je me suis rendue en Allemagne dans l’espoir de le retrouver mais sans résultat. 

Je suis revenue en France mais cette fois j’ai été bloquée dans Belfort et j’ai du repartir pour l’Alsace pensant pouvoir séjourner à Mulhouse. 

Je suis restée dans cette ville une dizaine de jours espérant avoir des nouvelles de mon mari, lui écrivant des lettres qu’il n’a jamais reçues. 

J’ai essayé encore de rentrer en France mais cette fois il m’a été impossible de passer. 

Fin septembre, dans mon désespoir de ne pouvoir obtenir aucune nouvelle de mon mari, je me suis rendue à Fribourg puis à Constance où je suis arrivée vers le 10 octobre 1944. Là, j’ai tout de même pu savoir où se trouvait mon mari. 

À cette époque j’ai fait une demande afin de rentrer en France par la Suisse ? J’ai également tenté de rentrer en France en passant par l’Espagne et cette fois encore les Allemands se sont opposés à mon départ, m’interdisant en même temps de résider avec mon mari. Vers le 15 avril, au moment de la débâcle allemande à Sigmaringen j’ai réussi à rejoindre mon mari ». 


Lisette de Brinon ne devra son salut qu’à son complet désintérêt pour la chose politique. Toute sa défense sera basée sur sa non-intervention. Une réalité qui ressort des interrogatoires de la police et des conclusions du parquet : 

« En 1936, elle accompagna M. de Brinon en Allemagne aux Jeux Olympiques, sans déployer la moindre activité » (interrogatoire du 30 août 1945 par le commissaire René Riquet).


Dans son réquisitoire aux fins de classement du 10 septembre 1945, le juge d’instruction Pierre Marchat arrive à la conclusion qu’elle « ne participa en aucune façon à l’activité politique de son mari dans la période qui précède la guerre.

Durant la période d’occupation, elle vécut pratiquement séparée de son mari, dans des propriétés sises dans la Creuse et les Basses-Pyrénées. Elle ne vit que très rarement, durant cette période, son mari, à l’occasion de quelques rares et brefs séjours qu’elle faisait à Paris, pour effectuer des achats.

Les témoins entendus sont unanimes à déclarer que l’inculpée évitait de faire même allusion aux questions politiques et que la seule activité qu’elle manifesta eut pour objet de rendre service à des français, soit pour les empêcher de partir en Allemagne, soit pour favoriser le rapatriement des prisonniers ».


Parmi les témoins sont cités, un brigadier de police d'Orriule atteste qu'elle a fait libérer des prisonniers originaires de la commune. La directrice de son magasin de couture à Biarritz explique que Mme de Brinon a obtenu de faire rentrer d'Allemagne le mari d'une employée, prisonnier de guerre, et que trois employés ne partent pas au STO. Le directeur de l'hôtel Bristol souligne qu'elle n'a jamais reçu d'Allemands ni de personnages politiques. Un témoignage confirmé par le propriétaire de l'hôtel.


Outre ces témoignages, les Renseignements Généraux de Guéret transmettront une note (datée du 19 décembre 1944, Archives départementales de la Creuse 107 W4 ) à la Direction Générale de la Sûreté Nationale, suite à une demande de la commission départementale d'épuration. Il apparaît qu'un membre de la Milice, en fuite, entretenait de bonnes relations avec le chef départemental de la Légion et avec Mme de Brinon. L'individu est considéré comme dangereux et une demande de mandat d'arrêt sera lancé contre lui mais aucune précision n'est donnée par l'enquête concernant l'attitude de Mme de Brinon.


« J’avais une grande admiration

pour mon mari »


Le 12 juin 1945, devant le juge d’instruction, en présence de ses avocats M° Floriot et Vienot, elle précisait sa position en rendant hommage à son époux : «  Je n’ai eu aucune influence politique sur mon mari. Avant guerre, mon mari était pacifiste, j’avais les mêmes idées et je dois dire que j’avais une grande admiration pour mon mari (…) Quand la guerre est arrivée, j’étais dans les Pyrénées. Je devais y rester après l’armistice et même lorsque mon mari fut appelé par M. Laval et lorsqu’il a appartenu au conseil du gouvernement, j’étais israélite et comme telle je ne fus jamais tolérée par les allemands. Je devais vivre en dehors de lui d’abord dans les Pyrénées (Ndlr : dans sa propriété familiale d’Orriule) puis dans une propriété de la Creuse (Ndlr : le château de Felletin, propriété de la famille de Brinon) où je me consacrais à l’agriculture. Je voyais mon mari quand il venait à Vichy et ce n’est que sous les prétextes les plus divers (médecin, dentiste, etc.) que je pouvais aller de temps en temps à Paris. Je voyais M. de Brinon qu’en coup de vent et être deux portes. Je n’ai pas besoin de vous dire que mon ménage en raison de cette séparation conjugale n’allait pas très bien ».

« Est-ce que l’on me reprochera d’avoir tenté d’aller en Allemagne pour retrouver mon mari ? » interroge-t-elle. 

« Mon mari était malade, je ne savais pas ce qu’il était devenu. J’avais écrit et je ne recevais pas de réponse (…) J’ai cherché mon mari à Nancy et à Belfort mais en vain. J’ai été à Mulhouse espérant avoir des nouvelles. Encore en vain. De désespoir de cause j’ai essayé de rentrer en France mais Belfort était en état de siège et personne ne pouvait passer. C’est dans ces conditions que je suis allée à Fribourg puis à Constance (…) Ce n’est que vers la fin avril que j’ai pu rejoindre mon mari à Sigmaringen mais toujours en raison de mon origine israélite je ne fus pas autorisée à résider avec lui. Étant donnée la vie séparée que je vivais avec mon mari comment croire que j’ai pu avoir une influence politique sur lui et que j’ai pu être mêlée, même de très loin, à son activité gouvernementale ».

Lors de son arrestation, la police judiciaire saisira une serviette contenant 789 billets de 5.000 francs et 44 billets de 1.000 francs. Une somme totale de 4 millions, confiée par Brinon à sa femme. Interrogée, elle précisa : « je répète que j’étais israélite et que je ne pouvais laisser d’argent dans des établissements de crédit. Vous vous étonnez également du nombre de billets de 5000 Francs qui ont été trouvés en ma possession. J’étais très dépensière et j’étais plus hésitante à entamer un gros billet qu’un moyen ou un petit ».


Au sujet de l’influence de Mme Mittre sur son mari, Mme de Brinon fera cette déclaration qui masque son humiliation d'épouse trompée : « Je ne peux donner aucun renseignement sur l’influence qu’à pu avoir Mme Mittre sur mon mari. Je sais simplement qu’elle est à son service depuis plus de 20 ans et qu’elle lui a été toujours entièrement dévouée ».


Du fond de sa cellule, « la  Marquise » a perdu de sa superbe. Déprimée, ne recevant aucun colis, après avoir égaré sa carte d’alimentation, elle souffre de ses fractures causées en 1941 par une chute de vélo. 


Dans une lettre désespérée adressée au juge d’instruction le 24 juillet, elle demande l’audition de ses témoins. La veille s’ouvrait le procès du Maréchal Pétain où Brinon témoignera le 9 août (photo ci-contre)

Evoquant « l’incroyable injustice de mon sort », elle explique que ses biens ont été transportés dans la Creuse où la propriété a été pillée. « Nous avons, mes enfants et moi tout perdu. Ma maison des Pyrénées non plus n’a pas été épargnée ». 

Sur le fait d’avoir rejoint son mari à Belfort elle interroge : « Peut-on vraiment le reprocher à une femme inquiète de la santé de son mari ? »


Plus de trois mois

d'incarcération


Le 1er août, un médecin expert est missionné pour savoir si elle supporte sa détention. Il constate qu’elle souffre de ses fractures du rocher et de la clavicule. Amaigrie, atteinte d’une bronchite chronique, dépressive, avec des troubles gastro-intestinaux, hépatiques, il conclue le 9 août : «  Il conviendrait que la détention préventive ne soit pas trop prolongée ».

Malgré ce diagnostic, sa demande de mise en liberté provisoire est rejetée  le 10 août.

Une nouvelle demande est formulée le 14 août. 

Le 22 août son avocat, M° Viénot, écrit : «  Ma cliente est détenue depuis plus de trois mois sans qu’aucune charge ait pu être précisée contre elle. Elle n’a exercé pendant toute l’Occupation aucune activité politique, et il ne se trouve aucun témoin pour affirmer le contraire. La prolongation de sa détention ne se comprendrait pas ».

Le 7 septembre 1945, Lisette de Brinon retrouve la liberté.

Quant à Mme Mittre, elle verra son inculpation d'intelligence avec l'ennemi classée sans suite le 18 septembre 1945. 

Parmi ses témoins, deux méritent d'être retenus : le fils de l'antiquaire juive Rachel Bernheim, déclare que "le bureau de Mme Mittre était un bureau de bienfaisance. En septembre 1943, ma mère a été arrêtée. Le soir même elle était chez elle grâce à l'intervention de Mme Mittre". 

Autre témoignage favorable, celui d'Edmone Adès qui obtiendra en quelques semaines de Mme Mittre un "ausweis" pour la zone libre, en avril 1941

Cette employée de banque, juive, devait impérativement se replier à Lyon, où la banque Lazard "aryanisée", avait transféré une partie de son personnel israélite. Elle pourra y partir avec sa grand-mère, britannique, dont elle ne voulait pas se séparer. 

Dans une attestation, datée du 16 juin 1945, Mme Adès écrit : "Ma reconnaissance envers Mme Mittre que je ne connaissais pas et qui a agi par pure humanité a été et demeure très grande. Je suis prête à faire cette déclaration sous la foi du serment".


Brinon salué 

par le Col Rémy


Quant à Fernand de Brinon, jugé par la Haute Cour de justice, il n'échappera pas à la condamnation à mort. 

Rares seront ceux qui viendront témoigner en sa faveur, malgré les demandes de Mme de Brinon à plusieurs "amis". Daladier est venu mais pas Cocteau. 

Ils n'auraient rien changé face au poids des accusations lancées contre "le traitre à la Nation". 

Seule la reconnaissance du colonel Rémy (1904-1984), Compagnon de la Libération et grand résistant aurait pu, peut être, attendrir les juges. (Rémy ira jusqu'à prôner la réhabilitation de Pétain, passant après-guerre du gaullisme à l'extrême-droite)

En 1944, Brinon était intervenu pour faire libérer six membres proches de sa famille arrêtés par la Gestapo. Brinon fera libérer la mère et trois soeurs du résistant, alors activement recherché. Dans une lettre écrite en février 1947, à M° Bizos, un des huit avocats de Brinon, Rémy écrit : " J'ai appartenu à un camp différent de celui de M. de Brinon. Je ne lui conserve pas moins une très vive reconnaissance pour son geste qui, je le sais, lui a été dicté par un sentiment d'humanité. J'avais demandé à être entendu comme témoin, mais je n'ai jamais eu à cet égard la moindre réponse ". (archives Christophe Moreigne)

Brinon interviendra pour d'autres personnes arrêtées, et quelques unes signeront en faveur d'un recours en grâce : Jean Cocteau, Maurice Goudeket (le mari de Colette), Madeleine Renaud, Tristan Bernard. 

Fusillé au fort de Montrouge, Brinon sera enterré à Thiais. En mai 1947, le corps sera exhumé et transféré  au cimetière de Saint-Quentin-la-Chabanne (Creuse), commune limitrophe de Felletin. La tombe indique que le défunt a été ambassadeur de France, sans préciser qu'il fut le seul ambassadeur du gouvernement auprès de l'occupant allemand.

Lisette de Brinon, repose loin de son mari, inhumée au cimetière communal de Nemours (Seine-et-Marne) sur les bords du Loing de sa jeunesse.



Thierry Noël-Guitelman

mardi 3 mai 2022

29 mai 1942 : il y a 80 ans, l’étoile jaune

29 mai 1942 - 29 mai 2022 : 80 ans après la 8e ordonnance allemande qui rendra obligatoire le port de l’étoile jaune en France occupée, retour sur ce symbole de la discrimination régulièrement détourné à des fins partisanes.


29 mai 1942 : le commandant en chef des troupes d’occupation en France Carl-Heinrich von Stülpnagel *, signe la 8e ordonnance allemande en France occupée. 
Le port de l’étoile juive devient obligatoire en public pour les juifs, âgés de plus de six ans, français ou étrangers. 

(Ci-contre, photo Roger Schall, publiée dans "À Paris sous la botte des nazis", sous la légende Le réprouvé, éditions Raymond Schall 1944)


1er juin 1942 : le Journal officiel allemand, le Verordnungsblatt für die besetzten französischen Gebiete, promulgue le texte : 

« Une étoile à six pointes ayant les dimensions de la paume d'une main et les contours noirs. Elle est en tissu jaune et porte, en caractères noirs, l'inscription "Juif". Elle devra être portée bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine, solidement cousue sur le vêtement » (1)


Dimanche 7 juin : l'infamie entre en vigueur non sans rappeller l'usage médiéval de la rouelle, imposée aux Juifs par les rois et les papes après le Concile de Latran de 1215. Les Juifs devaient porter une pièce d'étoffe pour les distinguer des autres personnes. Une pratique déjà en place à Bagdad, en 807, sous le calife musulman Haroun al-Rachid, ses "dhimmis" devant arborer une ceinture jaune. On la retrouvera jusqu'au 19e siècle à Jérusalem, où les Juifs devaient mettre un turban bleu. 


Portée dès décembre 1939 en Pologne sous la forme d'un brassard bleu et blanc, l’étoile jaune sera introduite en mai 1941 en Croatie après l'arrivée des troupes allemandes à Zagreb ; en juin 1941 lors de l'invasion surprise de l'Union soviétique (opération Barbarossa) ; en septembre 1941 en Allemagne, Autriche, Bohême-Moravie, Roumanie et Alsace-Moselle ; à partir d'avril 1942 aux Pays Bas, et au 1er juin en Belgique. 

Cette vaste entreprise de marquage à l’étoile de David (magen David” en hébreu, ou bouclier de David) revenait à un détournement pervers de l’hexagramme du livre de prières juives, désormais à l'usage inversé. 

Jadis protecteur, il va contribuer à la chasse aux juifs rendus visibles pour mieux les arrêter, avant la déportation et la mort qui les rendra définitivement invisibles.


L’étoile jaune renforcera la décision allemande du 7 octobre 1940 qui, dans le département de la Seine, obligeait l’apposition du tampon Juif sur les cartes d’identité. L’insigne racial devient un outil supplémentaire dans le processus de la Solution finale. Il survient deux mois après le premier convoi de déportés juifs du 27 mars 1942 pour Auschwitz-Birkenau, un mois et demi avant  la rafle du Vél d’Hiv. 

Cette mesure était allemande, mais l’État français du maréchal Pétain a largement contribué à son application : en zone occupée, policiers et gendarmes, distribuent les étoiles imprimées à 400.000 exemplaires (trois par personne). Ce sont encore des uniformes français qui appliqueront les mesures répressives en cas d’infraction. 


Actions de solidarité


Aussitôt portée, l’étoile jaune suscite des réactions de solidarité : entre le 6 et le 10 juin 1942, trente cinq arrestations ont lieu à Paris pour des insignes avec des inscriptions comme "zazou", "swing", « potache" ou "papou". Vingt manifestants écoperont de trois mois à Drancy en tant qu’ Ami des Juifs. (2)

Les autorités religieuses protestent : le 7 juin, le pasteur André-Numa Bertrand prêche à l’Oratoire du Louvre : « Depuis ce matin, nos compatriotes israélites sont assujettis à une législation qui froisse dans leur personne et dans celle de leurs enfants, les principes les plus élémentaires de la dignité humaine. » 

Deux jours plus tôt, il a rédigé une lettre indignée que le président de la Fédération protestante, Marc Boegner, remettra personnellement à Pétain le 27 juin 1942 : « Ce port d’un insigne distinctif inflige à des Français une humiliation gratuite, en affectant de les mettre à part du reste de la nation (…) Aussi, les Eglises du Christ ne peuvent-elles garder le silence devant une souffrance imméritée qui atteint les Français et parfois les chrétiens, dans leur dignité d'hommes et de croyants ». (3)

Le cardinal Suhard, archevêque de Paris, autorise la protestation en chaire de son chanoine, Jean Rupp, dans l’église de la Sorbonne : « Une mesure incompréhensible pour l’âme française et où elle se refuse de se reconnaître, vient d’être prise par les autorités d’Occupation. L’immense émotion qui étreint le Quartier Latin ne nous laisse pas insensibles. Nous assurons les victimes de notre affection bouleversée et prions Dieu qu’il leur donne la force de surmonter cette terrible épreuve ». (4)


Le Consistoire ne réagit pas


Le Consistoire, replié à Lyon depuis juin 1940, ne réagit pas. 

Un silence résigné qui tranche avec les réactions de son président, Jacques Helbronner, conseiller d’État et ami de Pétain, contre le second Statut des juifs de juin 1941 qualifié de législation d’exception, suivi par toute une série de lois et décrets révélateurs de l’antisémitisme d’État qui viendra renforcer le processus  d’extermination. (5)

Ce silence s’explique par le respect de la souveraineté de Vichy, limitée à la zone libre où Pétain refusa l'extension de l'étoile : « Moi vivant, l'étoile juive ne sera pas portée en zone libre » aurait dit Pétain au grand rabbin Isaïe Schwartz. (6)

Vichy ne peut rien contre les mesures allemandes en zone occupée et le Consistoire ne se risque pas à une déclaration publique source de représailles supplémentaires envers la communauté juive. 

Le contraste est flagrant avec l’indignation suscitée par la grande rafle du 26 août 1942 en zone libre contre les juifs étrangers, et quelques mois plus tard, contre une autre mesure humiliante, mais de la seule initiative française : après l'invasion allemande du 11 novembre 1942 en zone sud, la loi du 11 décembre 1942 impose le tampon "Juif" à l’encre rouge sur les cartes d'identité et d'alimentation. 

Helbronner et le grand rabbin Schwartz protesteront auprès de Laval dans un courrier du 30 décembre 1942, exprimant « leur indignation contre une mesure qui tendait à soumettre à une humiliation nouvelle une catégorie de citoyens français contre une obligation vexatoire venant s'ajouter à tant d’autres. » (7)

Dans son avant-propos du livre "L'Etoile Jaune" de Léon Poliakov, Isaac Schneersohn apportera ce commentaire : «  Les Juifs de la zone libre n'avaient pas le mot Juif marqué sur la poitrine, mais ils l'avaient sur leurs papiers. »

Le 12 juin 1942, moins de deux semaines après l'introduction de l’étoile, Helbronner écrit à Laval : « La France va-t-elle donc connaître la honte d'être une terre de pogroms et les principes de justice, de liberté des croyances et des cultes, de respect de la personne humaine, qui ont été si longtemps la personnalisation de son idéal, vont-ils être désormais méconnus à l'égard des personnes françaises ou étrangères que réunit uniquement le seul lien religieux ? » (8)

Le 22 juin 1942, dans une lettre à Vichy, le Consistoire demande l’hébergement des Juifs de zone occupée en zone non occupée et évoque l’étoile jaune pour la première fois. Une requête présentée à dessein « pour préserver les Israélites de la zone occupée des persécutions que constituent le port de l’Etoile, et ses répercussions ». (9)

L'occupation de toute la France viendra ruiner cet espoir.


L’UGIF revendique l’étoile


Le Consistoire doit aussi composer avec la création de l'Union générale des israélites de France (UGIF) - fin 1941 à la demande des allemands et dont les administrateurs sont nommés par le Commissariat Général aux Questions Juives -. 

Affaibli, le Consistoire voit sa représentation confessionnelle supplantée par cette représentation raciale. L’UGIF appelle même à « porter l'insigne dignement et ostensiblement ». Le n° 25 de son Bulletin, daté du 10 juillet 1942, publie en première page un "avis important" mentionnant l'infraction « que constitue toute tentative de la dissimuler (l’étoile) même partiellement ».  (10)


Exemptions mondaines 


La 8e ordonnance allemande prévoyait des mesures d'exemption du port de l’étoile comme le précise le paragraphe 1 des dispositions d'application « Lors de circonstances spéciales, dans l'intérêt du Reich, des dérogations à l'ordonnance peuvent être prévues dans des cas isolés » . (11)

Plus de 9.800 étrangers issus de pays belligérants, alliés ou neutres, seront de fait exemptés d’étoile, un "privilège" perdu au camp de Drancy dès le 10 août 1942. (12)

Une brèche que Pétain utilisera pour demander quelques exemptions afin de protéger un cercle très restreint de relations mondaines.

Le 12 juin 1942, il écrit à Fernand de Brinon, son ambassadeur auprès des autorités d’occupation : 


« Mon Cher Ambassadeur,

Mon attention vient d'être attirée à plusieurs reprises sur la situation douloureuse qui serait créée dans certains foyers Français si la récente Ordonnance des Autorités d'Occupation, instituant le port d'un insigne spécial pour les juifs, était appliquée sans qu'il soit possible d'obtenir des discriminations naturelles et nécessaires.

Je suis convaincu que les Hautes Autorités Allemandes comprennent parfaitement elle-mêmes que certaines exemptions sont indispensables ; le texte de la 8e ordonnance les prévoit d'ailleurs. 

Et cela me semble nécessaire pour que de justes mesures prises contre les israélites soient comprises et acceptées par les Français. » (13)


Le 17 juin 1942, l’ambassade d’Allemagne refuse d’accéder aux nouvelles demandes de Pétain : le pianiste Kostia Konstantinoff, chargé de la programmation musicale de Radio Paris, pourra continuer de travailler. Refus également pour la veuve de Bergson et sa fille qui passeront la ligne de démarcation à l’été 43 pour se réfugier en Suisse. (14)

Fin de non recevoir encore pour la veuve du célèbre pathologiste Fernand Widal soutenue par l’Ordre des médecins, et pour les 28 caporaux et sapeurs juifs du régiment des pompiers de Paris qui devront porter l’étoile sur leur uniforme.


Le 3 juillet 1942, Pétain transmet seulement deux demandes précises d’exemptions à Brinon alors que les allemands s’attendaient à une centaine. (15) 

Elles concernent la marquise Marie-Louise de Chasseloup-Laubat, née en 1879, et sa sœur la baronne Lucie Girot de Langlade, née en 1882. Ce sont les deux filles du banquier Louis Stern, converties au catholicisme en 1900 et 1911. 

Le maréchal Pétain fait rajouter la veuve du général Billotte, née Catherine Nathan, et la comtesse Suzanne Sauvan d'Aramon, fille du banquier Edgar Stern (cousin de Louis), et épouse de Bertrand Sauvan d'Aramon, député de Paris qui vota les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940. (16)


Au final, le 25 août 1942, une unique note signée Heinz Röthke, chef du service juif de la SS de Paris, dresse une liste de 26 exemptions d’étoile, renouvelables durant trois mois. L’épouse de Fernand de Brinon, Louise de Brinon, née Franck, se trouve en tête de liste. (17)


Mme de Chasseloup-Laubat-Laubat, arrêtée le 27 juin 1942 par la police française, échappera à la déportation sur intervention de Pétain, qui fut le témoin de mariage de ses deux filles. (18) Elle meurt en 1964 à 85 ans. Par contre, sa soeur, arrêtée le 3 janvier 1944 dans son château de Cuts (Oise), envoyée à Drancy, sera du convoi n°66 du 20 janvier 1944 vers Auschwitz-Birkenau. Le même convoi que la soeur du poète Max Jacob, le champion de natation Alfred Nakache, sa femme et sa fille, les parents du résistant Raymond Aubrac... Elle sera gazée à son arrivée.

Mme Sauvan d'Aramon, arrêtée à Espalion (Aveyron) le 6 juin 1944, passera aussi par Drancy, mais ne sera pas déportée.


Parmi les multiples demandes d’exemptions refusées, celle du 16 juillet 1942 de la Fédération des amputés de guerre, en dit long sur l’inhumanité nazie. (19)

Elle met en avant la situation de Victor Faynzylberg. Ce soldat du 22e régiment de marche étranger (polonais) a perdu sa jambe gauche en 1940. Sa femme Ita arrêtée en juillet 1942, il élève seul ses deux enfants en bas âge.

Coiffeur boulevard de la Villette, il se fera photographier avec ses béquilles et ses enfants, et envoya le cliché au maréchal Pétain.

Sa croix de guerre et sa médaille militaire sont bien visibles. Sa fille porte l'étoile jaune. Son petit frère, qui n'a pas six ans, ne la porte pas encore. La réponse adressée le 23 juillet 1942, tient en sept lignes, formule de politesse comprise : « les autorités occupantes s'opposent à toute mesure de faveur »

Ita Faynzylberg sera déportée à Auschwitz par le convoi n°34, du 18 septembre 1942. Victor sera arrêté chez lui, la police  devra l'emporter ligoté sur une civière. Il sera du convoi n° 68, du 10 février 1944.


Par contre, des exemptions au nom "de pressants motifs économiques" seront accordées à des cadres juifs d’entreprises réquisitionnées par les allemands, à des agents des services de contre-espionnage, à des marchands d’art juifs chargés du pillage des oeuvres, à des indics "travaillant avec la police anti-juive". Parmi eux, sévissait Maurice Lopatka. Il sera considéré par Léon Poliakov comme le « plus terrible des informateurs juifs, employé par les services anti-juifs tant allemands que français. Responsable de l’arrestation de centaines de juifs qu’il faisait chanter avant de les dénoncer pour toucher des deux côtés ». (20)

Arrêté par les FFI pendant la Libération de Paris, il sera fusillé. 


Instrumentalisations


En juillet 2021, à Paris, Lyon, Perpignan, Avignon, Toulouse, Nouméa, des étoiles jaunes sont apparues sur les poitrines et des pancartes, avec en lieu et place du mot "Juif", un "non au vaccin" ou "non au pass sanitaire", comparant la situation des non-vaccinés à celle des juifs. 
Si manifester est un droit constitutionnel, comparer l'étoile jaune et des mesures sanitaires constitue une insupportable banalisation.

Comment peut-on mettre sur le même plan une restriction de liberté et une ordonnance nazie qui pouvait vous conduire au four crématoire ?

Ces pseudo étoiles jaunes ont suscité une vague d’indignation du côté de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) pour qui « arborer une étoile jaune fantaisiste, c’est se moquer des victimes de la Shoah ». 


Lors de la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français, Joseph Szwarc, 94 ans, l’un des derniers survivants de la rafle du Vél d’Hiv, a transmis son émotion : « Il faut se lever tous contre cette ignominie. Les larmes me sont venues, je l’ai portée l’étoile moi, je sais ce que c’est, je l’ai encore dans ma chair ». (photo ci-contre, capture d'écran Youtube) 

Déjà, en 2019, des Gilets jaunes se sentant discriminés arboraient l'étoile, et une étoile jaune à cinq branches avec le mot "Muslim" côtoyant un croissant jaune, a été portée par des participants à la marche contre l’islamophobie du 10 novembre, à Paris.

Ariel Goldmann, président du Fonds social juif unifié, dénoncera cet amalgame : « Aucun musulman de France ne subit ce que nos parents ont subi pendant la seconde guerre mondiale et je leur souhaite de ne jamais le subir ».

Ces détournements risquent de se reproduire dans l'avenir. 

Non seulement, ils piétinent la mémoire des victimes de la Shoah mais ils entretiennent le feu de l’antisémitisme, toujours présent dans une France fracturée où l’on oublie trop les leçons de l’Histoire.


Thierry Noël-Guitelman


* Commandant en chef des troupes d'occupation en France, de février 1942 à juillet 1944, il sera démis de ses fonctions pour avoir été mêlé à l'attentat-complot du 20 juillet 1944 contre Hitler, en faisant arrêter 1.200 SS de la région parisienne. Jugé après son suicide raté, il sera pendu à un croc de boucher le 30 août 1944 à la prison de Plötzensee. Après guerre, il aura droit à une "tombe d'honneur" à Francfort.

(1) Verordnungsblatt - Journal officiel n° 63 du 1er juin 1942 - CDJC-LXXXVI-63

(2) Cédric Gruat - Cécile Leblanc : « Amis des Juifs » (Tirésias 2005)

CDJC-XLIXa-90 Message du 16 juin 1942, du SS-Standartenführer Helmuth Knochen de la Sipo-SD de Paris, adressé au Reichssicherheitshauptamt à Berlin, à la Sipo-SD de Bruxelles et de La Haye, résumant les évènement suite à l'institution du port obligatoire de l'étoile jaune en France le 7 juin 1942.

(3) CDJC-CXCV-36 Lettre du 12 juin 1942 du vice-président du conseil de la Fédération protestante de France au maréchal Pétain

(4) Sylvie Bernay : « L’Eglise de France face à la persécution des Juifs » (CNRS Editions 2012, p. 313)

(5) Jacques Helbronner sera arrêté le 23 octobre 1943, alors qu'il se rend à Vichy pour dire une nouvelle fois son opposition aux mesures de répression et de déportation. Transféré à Drancy avec son épouse, déportés le 20 novembre à Auschwitz par le convoi n° 62, ils seront gazés dès leur arrivée.

(6) Témoignage de Paul Estèbe, chef adjoint du cabinet de Pétain à Raymond Tournoux, cité dans "Pétain et la France", Plon 1980, p.305

(7) Alliance Israélite Universelle, CC-24

(8)  Archives du Consistoire, BCC 19, dossier 19 a

(9) AIU, CC 17, citée par Eric Alary dans " La ligne de démarcation ", Perrin 2003, p.209-210

(10) Renée Poznanski : « Les Juifs en France pendant la Seconde Guerre Mondiale » (Hachette, 2005), p. 292 et Michel Laffitte dans « Juif dans la France allemande » (Tallandier, 2006), p. 130

(11) CDJC-CDXXVIII-82 8e ordonnance du 29 mai 1942.

(12) Annette Wieviorka, Michel Laffitte : « À l’intérieur du camp de Drancy », Perrin 2012, p. 136

(13) AN F60 1485

(14) Fonds d'archives SB4 de l'Office du canton de Vaud de contrôle des habitants et de police des étrangers : permis de séjour daté du 9 juillet 1943 et à Genève à l'automne. Les Bergson possédaient une propriété à Saint-Cergue.

(15) CDJC-XLIXa-90a Lettre du 16 juin 1942 du chef de l'état-major du Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF), et la copie d'une lettre du 12 juin 1942, du maréchal Pétain à l'ambassadeur de France, Fernand de Brinon et une note, du 17 juin 1942, du SS-Obersturmführer Beumelburg, adressées au Höherer Karl-Albrecht Oberg.

(16) CDJC-XXVa-172, CDJC-XXVa-174 et 175 Attestations d’exemption de Mme Bertrand d’Aramon, Mme de Brinon et Mme Chasseloup-Laubat.

17) CDJC-XXVa-164 Note du 25 août 1942, de Heinz Röthke, du service IV J de la Sipo-SD France à Paris, au SS-Standartenführer Helmuth Knochen. CDJC-XXVa-206 Certificat d'exemption de Mme de Brinon.

(18) Magdeleine, la fille de Marie-Louise, gravement malade, et son mari le prince Achille Murat, demanderont à leur fille Salomé, princesse Murat, alors âgée de 17 ans, de se rendre à Vichy pour négocier la libération de sa grand-mère auprès du maréchal. Témoignage de son fils Fabien Chalandon recueilli par l'auteur le 29 juillet 2017. 

(19) CDJC-CXCIV-92 Lettre du directeur de la Fédération des amputés de guerre du 16 juillet 1942 et la réponse de Louis Darquier de Pellepoix, Commissaire général aux questions juives.

(20) Léon Poliakov : " L’Etoile jaune - La Situation des Juifs en France sous l'Occupation - Les Législations nazie et vichyssoise " (Editions Grancher, 1999), p. 70