lundi 21 janvier 2013

Anniversaire : 22-27 janvier 1943, la rafle de Marseille

Rafle d'une famille entière dans le Vieux-Port
Il y a exactement 70 ans, du 22 au 27 janvier 1943, la rafle de Marseille avait lieu dans le quartier du Vieux-Port.
Dirigée par René Bousquet, secrétaire général de la police de Vichy, elle permettra d'arrêter et de déporter, selon les instructions préfectorales " repris de justice, souteneurs, clochards, vagabons, tous les Juifs, les étrangers en situation irrégulière ".
L'ordre venait d'Himmler, en représailles à des attentats dirigés contre des officiers et soldats allemands début janvier, suite à l'invasion de la zone libre qui entraina l'occupation de Marseille depuis le 12 novembre 1942.
Bousquet obtiendra des autorités allemandes la liberté totale pour la police française  d'agir sur toute la ville, les allemands visant au départ de rester dans les limites du premier arrondissement.
Le 22 janvier, le Vieux-Port sera bouclé par deux cents inspecteurs, quinze compagnies de groupes mobiles de réserve, et des escadrons de gendarmerie et de gardes mobiles, soit au total 12.000 policiers.
La destruction du quartier nord du Vieux-Port fut décidée, favorisant le réaménagement de tout le quartier et la spéculation foncière.
Bilan de l'opération, appelée " Sultan " par les Allemands : 6.000 arrestations et 40.000 identités vérifiées. Dans le seul quartier de l'Opéra, proche de la grande synagogue, 250 familles juives seront raflées. Le 24 janvier, 1.642 personnes seront transférées sur Compiègne, dont 782 Juifs déportés et exterminés à Sobibor, et 600 suspects déportés à Sachsenhausen. Au total, 4.000 Juifs arrêtés jusqu'au 27 janvier 1943.
Le cynisme de René Bousquet
La photo de la préparation de la rafle (Archives fédérales allemandes) montre le cynisme de René Bousquet, souriant, cigarette à la main, et manteau en col de fourrure,  entouré notamment du SS Bernhard Griese, de Pierre Barraud, préfet de Marseille et du préfet régional Antoine Lemoine, à l'hôtel de ville de Marseille.

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samedi 19 janvier 2013

Françoise Giroud n'a pas porté l'étoile jaune

Le 19 janvier 2003, Françoise Giroud disparaissait à l'âge de 86 ans.
Journaliste, co-fondatrice de l'Express avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, directrice de la rédaction jusqu'en 1974, secrétaire d'Etat à la condition féminine (1974-1976) puis à la Culture (1976-1977), Françoise Giroud a toujours voulu cacher sa judéité, jusqu'à ce que son petit-fils Nicolas (fils de Caroline Eliacheff et de Robert Hossein), en 1982, décide d'enquêter sur ses origines familiales. 
Dans une lettre, il demande à sa grand-mère si elle est juive. Françoise Giroud niera mais, poursuivant ses recherches, il tombe sur des papiers d'état-civil qui ne laissent aucun doute.
En 1988, Françoise Giroud lui révèle la vérité dans une lettre : " Ta grand-mère est née juive. Pour te dire cela, je dois rompre un serment fait à ma mère sur son lit de mort ".
Grâce aux révélations de sa grand-mère, Nicolas Hossein-Eliacheff pourra renouer plus tard avec ses origines. Devenu rabbin, il a pris le nom hébraïque d'Aaron Eliacheff, et exerce son ministère à Strasbourg.
 
Françoise Giroud est née Lea France Gourdji le 21 septembre 1916.
Son père, Salih Gourdji, dirigeait l'Agence télégraphique ottomane à Constantinople, en Turquie, où il était né. Sa mère, Elda Faraggi, est née à Thessalonique, en Grèce.
Née à Lausanne, en Suisse, Lea France n'a que onze ans quand son père meurt. A 14 ans, elle quitte l'école pour travailler et aider sa mère financièrement, avec un unique diplôme de dactylo, qui se révélera bien utile dans sa carrière journalistique.
Employée de librairie boulevard Raspail à Paris, elle devient secrétaire d'André Gide, puis scripte de Marc Allégret, ami de la famille. En 1937, elle devient assistante de Jean Renoir - son nom apparaît dans le générique de la Grande Illusion -.
En 1938, elle est scénariste pour Jacques Becker et travaille pour la radio où elle prend le nom de Françoise Giroud.

A l'exode de 1940, la famille rejoint Clermont-Ferrand où vit sa soeur Djénane.
Lorsque les lois anti-raciales sont promulguées, elle ne se fait pas recensée et n'a jamais porté l'étoile jaune, tout comme sa mère  Elda et sa soeur Djenane, comme le rappelle Laure Adler dans sa biographie, " Françoise ", parue chez Grasset, en 2011.
Alix de Saint-André, dans "Garde tes larmes pour plus tard" (Gallimard, 2012) apporte de nouveaux éléments d'enquête, concernant un vrai-faux acte de baptême, délivré le 23 avril 1942, mais avec une fausse date, grâce à un curé de l'Allier. 
Le chanoine Bardet, à Montcombroux-les-Mines (Allier) réalise en effet des certificats antidatés en 1917, pour la fille et sa mère, rajoutant même pour cette dernière "après avoir renoncé à sa foi musulmane".
Ce curé accommodant aurait été contacté car les Gourdji ont vécu à Nice et des connaissances niçoises travaillaient dans la mine du village.
Avec ses origines falsifiées, Françoise Giroud entreprend en mars 1942 des démarches administratives auprès du Comité d'organisation de l'industrie cinématographique, pour continuer de travailler dans le cinéma.
Utilisant son pseudo de Françoise Giroud, elle sera reconnue comme " scénariste d'origine catholique ", et déclare sous la foi du serment être de race aryenne. 
Le 15 juin 1942 elle obtient son autorisation de travailler de l'Institut des hautes études cinématographiques.
En 1943, elle écrit dans " Le Pont", périodique allemand édité en français, créé en 1940 par la Propagandastaffel et destiné aux travailleurs français en Allemagne. Elle écrit aussi dans " Paris-Soir ", dont la rédaction s'est repliée à Lyon.
Françoise Giroud, qui a été agent de liaison dans la Résistance, sera arrêtée par la Gestapo sur dénonciation. On lui reproche d'avoir hébergé un chef de l'Armée secrète.

Incarcérée à Fresnes de mars à juin 1944, elle sera libérée grâce à l'intervention du collaborateur Joseph Joanovici