Juif polonais, Léo Israélowicz est né en 1912 à Tarnow, près de Cracovie. Ancien ténor des choeurs de l’opéra de Vienne - connu sous le nom de Léo Ilkar - il devient à 26 ans membre du Judenrat, le conseil juif de la capitale autrichienne, instauré par les nazis.
En mars 41, Adolf Eichmann l’envoie à Paris pour exporter la formule du conseil juif en zone occupée. Il prend alors la direction de l’hebdomadaire « Informations juives », lancé le 19 avril 1941, et dispose d’un hôtel particulier, au 77 avenue Paul-Doumer, dans le 16e, qu'il occupe avec sa mère Balbina Rauchwerg, 54 ans, et sa fiancée Margareta Spitzer, 20 ans, qu'il épousera. Le père de la jeune femme deviendra son conseiller juridique.
Avec la loi du 29 novembre 1941 qui institue l’UGIF (Union Générale des Israélites de France), il devient chef du service 14 chargé de la liaison avec le service des affaires juives de la SS et en janvier 1942, « Informations juives » devient le « Bulletin de l'UGIF ».
Israélowicz interviendra souvent pour appuyer des demandes de libération auprès d’Aloïs Brünner qui commande le camp de Drancy.
Le 21 octobre 1942 il fera libérer Alice Glass, arrêtée pour ne pas avoir retiré son étoile jaune dans les délais, étant souffrante. Son mari s’était présenté le 10 juin 1942 avec trois jours de retard au commissariat du 10e, alors que l’étoile ne pouvait être retirée que par son porteur.
L’historien Michel Laffitte, dans « Juif dans la France allemande » note que la « qualité de conjointe d’aryen a sans doute été l’élément majeur qui a évité à Alice Glass, pendant ces presque cinq mois d’internement au camp de Drancy, de faire partie d’un convoi de déporté «. (1)
Tout au long de l’année 1942, à la demande du rabbin de Poitiers Elie Bloch-Debré, il interviendra pour la libération des enfants Richard et Louisette Fliegelman, de Niort, lycéens orphelins, et de leurs oncle et tante Maximilien et Sabine Vollmann, et leurs enfants Emilie et Marc Liebermann, transférés au camp de Poitiers.
Ces derniers ne seront pas déportés, mais Richard, 16 ans, partira à Sobibor par le convoi n° 53 du 25 mars 1943, après ses oncles et tantes qui périront à Auschwitz, arrivés par le convoi n° 42 du 6 novembre 1942. Seule Louisette survivra.
Dans une lette au rabbin, Israélowicz écrivait : « Je vous serais reconnaissant de bien vouloir m’avertir du départ pour Drancy des enfants Liebermann et de m’envoyer au plus tôt leur acte de naturalisation pour que je puisse faire l’impossible pour les sauver ». (2)
Début juillet 1943, il délivre une attestation à Robert Gamzon, du conseil d’administration de l’UGIF en zone sud et membre du Consistoire central, pour pouvoir disposer d’une exemption d’étoile jaune et passer outre le couvre-feu pour deux mois, lors d’un séjour en zone occupée, en accord avec Heinz Röthke. (3)
Gamzon (1905-1961), petit-fils d’Alfred Lévy, grand rabbin de Paris, fonda en 1923 les Eclaireurs Israélites de France (EIF). A la fois membre du Consistoire central et de l'UGIF, il mettra en place, à Lautrec (Tarn), une filière d’évasion d’enfants juifs, sauvant ainsi plusieurs milliers de jeunes.
Entré dans la clandestinité fin 1943, il organisa la résistance militaire des EIF et prendra en 1944 le commandement du maquis EIF de Vabre (Tarn). Installé en Israël après guerre, chercheur au département électronique de l’Institut Weizmann, il meurt noyé accidentellement.
Avec l'arrivée d'Aloïs Brunner à la direction du camp de Drancy, le 30 juin 1943, l'étau se resserra un peu plus. Les dirigeants de l'UGIF, responsables du ravitaillement, sont souvent convoqués.
Le 21 juillet 1943, Israélowicz, 31 ans, et André Baur, 39 ans, vice-président de l’UGIF, sont en mission à Drancy. Or, le cousin de Baur, Adolphe Ducas s’est évadé avec un autre détenu. Baur sera retenu en otage et Israélowicz laissé en liberté provisoire mais leurs familles seront menacées d’arrestation si, sous huit jours, les deux fugitifs ne réintègrent pas le camp.
Le 10 septembre 1943, André Baur est rejoint par sa femme Odette Pierre-Kahn, arrêtée avec ses quatre enfants, de 3 à 10 ans. Avec Israélowicz tous seront déportés à Auschwitz par le convoi n° 63 du 17 décembre 1943. Dans le même convoi, le rabbin Elie Bloch-Bloch, son épouse Georgette et leur fille Myriam âgée de 6 ans, la mère et la femme d'Israélowicz.
Fin septembre 1943, alors que Israélowicz est à Drancy depuis deux mois, un rapport du CGQJ, fait état des accusations d’une femme dont le mari est au camp de Beaune-la-Rolande. Elle a entendu dire « qu’un juif nommé Israélowicz avait fait sortir des juifs moyennant rétribution ». (4)
La fille d’Israélowicz témoignera après guerre pour rétablir l’honneur de son père :
« Un soir, la Gestapo est venue chez nous et a demandé à mon père de les accompagner pour aller chercher des Juifs qui n’étaient pas de nationalité française et dont mon père possédait la liste (…) Mon père refusa catégoriquement mais l’officier de la Gestapo qui commandait le groupe de trois hommes sortit son révolver et me le mit contre la tempe en disant à mon père : « Ou bien tu viens immédiatement avec nous, ou bien c’est ta fille qui sera victime de ton refus ». Mon père atterré, contraint et forcé, s’exécuta et il est parti avec eux ».
Transféré au camp de Monowitz au printemps 1944, Israelowicz, reconnu par des déportés, tomba sur Herbert, un capo juif polonais, dont sa femme et ses trois filles ont été gazées. Il était devenu la terreur des déportés du Commando n°54. Herbert se rendra nuitamment dans le bloc d’israélowicz, le fera lever et le roua de coups. Après une troisième nuit de violences, il le laissera pour mort. (5)
(1) Michel Laffitte : Juif dans la France allemande (Tallandier, 2006), p. 145
(2) CDJC-CDXXIV-9 Correspondance du 9 janvier 1942 au 15 décembre 1942.
(3) CDJC-CDX 70 Attestation du 8 juillet 1943
(4) CDJC-XXVIII-212 Rapport du 28 septembre 1943 du Commissariat Général aux Questions Juives dénonçant les agissements de l’UGIF.
(5) Témoignages tirés de « La triste fin de Léo Israélowicz » sur http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr
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