vendredi 4 septembre 2020

Des exemptions d'étoile jaune pour faciliter le pillage des oeuvres d’art

Trois exemptions d’étoile jaune seront accordées en août 1942 aux marchands d'art Juifs Allan et Emmanuel Loebl, et Hugo Engel, galeriste Juif autrichien, et son fils Herbert. Ils avaient été chargés d'alimenter le projet de musée voulu par Hitler à Linz, en Autriche, et les collections pillées par Hermann Göring. (1)

Allan Loebl était au service de Bruno Lohse (1911-2007), historien d'art engagé dans la SS, pour lui fournir les plus belles oeuvres. 

Echange de « bons procédés », Lohse fera libérer l'épouse de Paul de Cayeux de Sénarpont (1884-1964), président du syndicat des marchands d'art, et propriétaire de la galerie Cailleux.  Née Judith-Marguerite Serf (1882-1973), issue d'une famille juive alsacienne de Buschwiller (Haut-Rhin), elle avait été internée à Drancy. Elle s'était mariée en 1910 avec le galeriste, personnage influent, conseiller du commerce extérieur, expert devant le tribunal civil de la Seine et l'administration des Douanes.

Dans le syndicat des marchands d'art, on retrouve l'industriel Achille Boitel, liquidé en 1944 par la Résistance. Une bombe avait été placée dans sa voiture…

Spéculateur, il agissait comme banquier non officiel du syndicat et a vendu plusieurs tableaux à Göring, notamment " La femme à l'oeillet " du peintre de la Renaissance allemand Lucas Cranach, et "Le bain de Diane" de Nicolas Bertin, peintre français du 18e siècle.

L'antiquaire Yves Perdoux en était également membre. Il révéla les cachettes du marchand d'art Paul Rosenberg, obtenant en contre-partie trois Pissaro et un Renoir... (2)

Afin d'échapper à l'aryanisation de la galerie d'art, les enfants et petits-enfants des époux Cailleux de Sénarpont, d'origine juive mais de confession protestante, iront se réfugier au début de décembre 1943 dans le sud Deux-Sèvres, à Thorigné, un petit village proche de Niort : Jean de Cailleux, marié en 1935 à Daria Kamenka (1908-1998) femme de lettres d'origine russe, et leurs jeunes enfants Marianne, Catherine et Olivier. Par l'entremise du pasteur Roullet, ils seront cachés chez M. et Mme Simon. Début 1944, ce pasteur sera arrêté par les Allemands pour son action résistante. (3)


(1) CDJC XXVa-186 Documents du 10 août 1942 au 13 juillet 1943 concernant l’exemption d’Allan et Emanuel Loeb, et Hugo Engel

(2) André Gob : " Des musées au dessus de tout soupçon " Armand-Colin, 2007, chap. 4 : Butin, saisies, spoliations 1933-1946, p. 142-144

L’Oeil n° 630 - décembre 2010 Dans les ténèbres du Dr Lohse, par Philippe Sprang

(3) Jean-Marie Pouplain : " Les enfants cachés de la Résistance " Geste éditions, 1998, p. 106-109.

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