Huit exemptions d'étoile jaune ont été accordées pour " de pressants motifs économiques ". Des compétences "indispensables", mises au service de l'Allemagne...
Henri Fayol, répartiteur en chef de la section des fers, fontes et aciers de l'Office central de répartition des produits industriels, obtiendra une exemption pour sa femme, Nadine, née Picard, en 1896, fille de Jeanne Moyse et de Camille Picard.
La demande avait été très appuyée : le 2 juin 1942, le Secrétaire d'Etat à la production industrielle adresse une lettre au Dr Michel, chef de la division économique de l'administration militaire allemande, où il met en avant le dévouement du fonctionnaire, à la tête d'un service "d'une importance primordiale dans les circonstances auxquelles doit faire face l'économie française".
Il souligne que " Henri Fayol, au nom de sentiments devant lesquels je ne peux que m'incliner, est venu me faire part de l'impossibilité dans laquelle il se trouverait de continuer à pourvoir à l'accomplissement de sa tâche si les dispositions de l'ordonnance du 29 mai 1942 devaient être applicables à Mme Fayol ".
Et de conclure sa missive : " Je vous serais en conséquence très obligé de bien vouloir me prêter votre éminent appui auprès des autorités compétences pour que soient accordées à Mme Fayol les dispositions exceptionnelles indispensables ". (1)
L'exemption sera accordée le 8 septembre 1942, avec prolongation jusqu'au 30 novembre. (2)
Autre professionnel "indispensable", Fritz-Jacob Rotschild, cadre d'Unilever, courtier spécialisé dans les carburants et huiles d'Espagne et du Portugal.
Il obtiendra son exemption d'étoile jusqu'au 31 août 1942 mais pas sa femme Hélène. Le couple sera arrêté et interné à Drancy. Là encore, après l'intervention du Dr Matzke, responsable de la SODECO (qui contrôlait Unilever), le couple obtenait son exemption jusqu'au 28 février 1944. La requête précisait que Mme Rotschild " opère uniquement en appartement et ne se montre pas dans la rue. Mais elle est tout à fait indissociable de son mari dans ses affaires ". (3)
Les épouses, on le voit, sont souvent associées aux demandes d'exemption. Ce sera encore le cas pour le notaire Robert-Emile Revel et sa femme Alice (3-1), pour Thérèse et Roger Sautereau, qui dirige la section du papier et carton (3-2), et pour Estera et Joex Pomeranc, réceptionnaire de métaux (3-3).
Autre exemption accordée, celle de Gaston Nataf, juif roumain, à la demande de l'Amirauté, qui considère son travail "indispensable" chez EMID, établissement métallurgique au service de la Marine. En cas d'arrestation, par les allemands ou les français, il est expressément demandé de contacter directement Röthke. (4)
CDJC-XXVa-193 : L'exemption de Gaston Nataf |
Mêmes dispositions spéciales pour Robert Eisler, agent économique SODECO (5), et pour Oscar Kostelitz, ingénieur chimiste. L'exemption de ce dernier stipule " qu'une arrestation éventuelle suppose une confirmation écrite du service IVJ du chef de la Sipo-SD ". (6)
Autre "indispensable", Arnold Perlitsch, citoyen russe, qui travaille pour les usines automobiles Simca, à Nanterre.
La demande, toujours appuyée par le Dr Matzke, précise qu'il a quitté la Russie en 1919 pour des études à l'Ecole supérieure de technique de Berlin, avant de travailler pour Fiat depuis 1928 : " Nous ne pouvons pas actuellement nous passer de cet employé, ni le remplacer étant donné que l'on manque de traducteurs ayant une formation technique supérieure " est-il écrit. " Il doit être en contact avec les ingénieurs du Reich et nous aimerions beaucoup éviter les difficultés du port de l'insigne ". (7)
L'exemption, d'abord refusée, sera accordée jusqu'au 31 août 1942 et Perlitsch sera alors remplacé par un ingénieur italien.
Le courtier Charles Simon verra sa demande transmise par le Dr Matzke. Arrêté, puis libéré sur intervention, Matzke mentionne " ses connaissances exceptionnelles en tant que courtier ". La fiche jointe est élogieuse : Simon est né le 9 août 1876 à Bordeaux.
Catholique, ses grands-parents paternels sont juifs mais ses grands-parents maternels sont aryens. Sa femme est aussi aryenne. Il a fait la guerre de 1914-1918, et fut membre, avant-guerre, du comité franco-allemand dirigé par Georges Scapini, devenu ambassadeur de Pétain à Berlin, chargé des prisonniers de guerre. (8)
Pour être complet, citons le cas de Joseph Joanovici, personnage énigmatique qui commerçait des métaux avec les autorités allemandes, et qui n'a jamais porté l'étoile, sans même disposer d'une exemption officielle.
Agent double, travaillant avec la police française, " Monsieur Joseph " sera condamné à cinq ans de prison en 1952, après s'être rendu aux autorités françaises.
En cavale pour échapper au fisc, il tenta de se réfugier en Israël qui lui refusa l'application de la loi du retour en raison de son passé de collaborateur. (9)
Pour être complet, citons le cas de Joseph Joanovici, personnage énigmatique qui commerçait des métaux avec les autorités allemandes, et qui n'a jamais porté l'étoile, sans même disposer d'une exemption officielle.
Agent double, travaillant avec la police française, " Monsieur Joseph " sera condamné à cinq ans de prison en 1952, après s'être rendu aux autorités françaises.
En cavale pour échapper au fisc, il tenta de se réfugier en Israël qui lui refusa l'application de la loi du retour en raison de son passé de collaborateur. (9)
(1) CDJC-XXVa-180 Quatre documents du 2 juin 1942 au 8 septembre 1942.
CDJC-XXVa-163 Demande appuyée par une lettre du SS-Hauptsturmführer Maulaz, pour Mme Fayol, Charles Simon, Robert Eisler et Fritz Jacob Rothschild. Les Dr Michel et Matzke appuient aussi cette demande groupée. L'exemption, demandée pour une période de trois mois, est accordée par le SS-Standartenführer Helmuth Knochen.
(2) AN-AJ 38-6 Lettre de la Police des Questions Juives du 27 octobre 1942 au CGQJ qui précise que Mme Fayol possède bien une dispense d'étoile jusqu'au 30 novembre 1942.
(3) CDJC-XXVa-167 Quatre documents du 5 juin 1942 au 25 février 1943.
CDJC-XXVa-200 Documents du 5 juin1942 au 30 novembre 1943, concernant l'exemption de Fritz-Jacob et Hélène Rotschild.
(3-1) CDJC-XXVa-199 Sept documents du 18 juin 1942 au 26 juillet 1943 concernant l'exemption d'Alice Revel.
CDJC-IV-176 Lettre du 14 janvier 1942, suite à la demande de Fernand de Brinon, au commandant du camp d'internement de Compiègne, pour la libération de Robert-Emile Revel, au motif que sa femme est " aryenne ".
(3-2) CDJC-XXVa-201 Avant l'avis favorable, une enquête a été faite sur Roger Sautereau. L'exemption sera accordée jusqu'au 31 mai 1943, puis prolongée trois fois jusqu'au 28 février 1944, suite à la "confirmation de l'amélioration du travail de la section et la loyauté de Sautereau".
(3-3) CDJC-XXVa-198 Quatre documents du 11 juin 1942 concernant la double exemption d'Estera et Jcex Pomeranc.
(4) CDJC-XXVa-193 Demande déposée le 9 juin 1942, renouvelée jusqu'à fin mars 1943. Un document du 29 février 1944 lui accorde une exemption illimitée, avec demande de contact de Röthke.
(5) CDJC-XXVa-178 Deux documents des 5-6 juin 1942 concernant l'exemption de Robert Eisler.
(6) CDJC-XXVa-182 Exemption du 6 octobre 1942.
(7) CDJC-XXVa-197 Quatre documents du 4 au 29 jun 1942 concernant l'exemption d'Arnold Perlitsch.
(8) CDJC-XXVa-204 Six documents du 5 juin 1942 au 22 février 1943 concernant l'exemption de Charles Simon.
(9) Son histoire a inspiré la BD " Il était une fois en France ", parue aux éditions Glénat
(9) Son histoire a inspiré la BD " Il était une fois en France ", parue aux éditions Glénat
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