Gaston Monnerville (1897-1991) a laissé une trace dans la vie politique française. Député de la Guyane, président du Conseil de la République de 1947 à 1958, puis président du Sénat de 1958 à 1968, ce petit-fils d'esclave a aussi joué un rôle dans l'histoire du Droit.
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L'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix du 12 mai 1942 |
Sa carrière d'avocat commença à Toulouse en 1918, après ses études universitaires. En 1927 il devient le président de l'Union des jeunes avocats à la Cour d'appel de Paris et plaida dans des grands procès, comme l'affaire Galmot.Né à Cayenne, en Guyane, le 2 janvier 1897, il deviendra maire de sa ville natale en 1935. De 1937 à 1938 il sera sous-secrétaire d'État aux Colonies dans le cabinet de Camille Chautemps.
À la déclaration de guerre de septembre 1939, il s'engage dans la Marine et proteste contre les mesures discriminatoires de Pétain.
Lors de l'entrée en vigueur de la loi du 2 juin 1941 instaurant le Statut des Juifs il reprend sa robe d'avocat et plaide pour des personnes poursuivies pour ne pas s'être déclarées.
Aux termes de cette loi, la race était définie par la religion et son article 2 disposait : " la non-appartenance à la religion juive est établie par la preuve de l’adhésion à l’une des autres confessions reconnues par l’Etat avant la loi du 9 décembre 1905."
Il plaida notamment pour Mlle Georgette Weinthal (11 décembre 1911-3 mai 2003) une jeune femme née de parents juifs mais qui refusait être de religion juive. Aussi, elle n’effectua pas sa déclaration, ce qui lui vaudra les poursuites du Parquet.
Devant le tribunal, elle déclara avoir entendu dire que son arrière grand-père était Juif, mais elle avança que ses grands-parents, ses parents et elle-même étaient sans religion.
Plaidant que l’intéressée n’avait pas à prouver qu’elle appartenait à une autre religion, Gaston Monnerville obtiendra l'acquittement de sa cliente par le Tribunal Correctionnel de Marseille le 25 février 1942.
La Cour refusa de considérer que la consonance des noms des parents des inculpés pouvait constituer une preuve suffisante, et que la preuve de son appartenance à la religion juive n’était donc pas rapportée.
La Cour d’Appel d’Aix en Provence, le 12 mai 1942, confirma ce jugement.
Cette décision était une première, les magistrats ayant fait preuve d’indépendance.
On l’appela « la jurisprudence Monnerville » et, plusieurs personnes poursuivies pour le même motif, en bénéficieront, notamment Jean Pierre-Bloch, figure de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. (1)
Lorsque la zone libre sera envahie le 11 novembre 1942, Monnerville se sentant menacé, préféra rallier les maquis d'Auvergne. Commandant FFI, il prend le pseudonyme de Saint Just et sera actif dans les réseaux de résistance du Cantal, de Lozère, d'Aveyron, d'Ardèche et du Gard.
Médaillé de la Résistance en 1945, il reprendra ses activités d'avocat et la vie politique dans les rangs du parti radical.
Implanté dans le Lot, il sera élu président du conseil général, maire de Saint Céré de 1964 à 1971 et sénateur du Lot de 1948 à 1974.
Président du Conseil de la République de 1947 à 1958, puis du Sénat de 1958 à 1968, il rejoindra le Conseil Constitutionnel de 1974 à 1983 comme simple membre. À l'Élysée, François Mitterrand, président de la République, lui remettra la rosette d'officier de la Légion d'honneur. Il meurt à Paris le 7 novembre 1991 à l'âge de 94 ans.
Dans le même sens, la 1ère chambre de la Cour de Paris, décida par un arrêt du 15 juillet 1943, que n’était pas nécessairement juif celui qui se rattachait à une autre religion que le catholicisme ou le protestantisme, uniquement citées par l’article 1er, alinéa 2, de la loi. Il s’agissait en l’espèce d’un Arménien catholique orthodoxe.
Les Cours de Montpellier et de Toulouse adoptèrent la même solution.
Le tribunal correctionnel de Bayonne le 12 juin 1942, suivi par la Cour d’appel de Bordeaux le 23 décembre 1942, décida qu’on ne pouvait considérer comme juive une femme qui, ayant deux grands-parents Juifs et deux non-Juifs, qui avait épousé un catholique et qui rapportait la preuve qu’elle n’avait jamais pratiqué la religion juive.
Le fait d’avoir épousé un catholique était donc considéré comme un élément de preuve de non-appartenance, comme inversement le fait d’avoir un conjoint juif était une preuve d’appartenance aux termes de l’article 1, alinéa 1er.