Une curieuse exception à la règle de la délivrance des exemptions par les seules autorités allemandes concerne Maurice Papon. L'ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde, a-t-il menti à son procès ?
Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de Gironde (dr) |
Le 16 février 1998, lors de la 68e journée de son procès devant la cour d'assises de la Gironde, il affirma avoir accordé pas moins de 1.182 dérogations au port de l'étoile jaune.
« Ce qui donnait une chance supplémentaire aux juifs d'échapper aux allemands » déclare-t-il.
Elles auraient concerné 951 français et 231 étrangers.
Michel Slitinsky, partie civile à l'origine du procès, contestera ces chiffres évoquant seulement 11 dérogations accordées, sans donner plus de détails.
Maurice Papon, interrogé le 5 décembre 1997 par le procureur général sur l'application de la 8e ordonnance, répondra : « Le premier choc que j'ai eu en arrivant à Bordeaux, et en prenant possession du poste de secrétaire général, ça été l'étoile jaune qui venait d'être distribuée quelques jours avant mon arrivée.
J'en ai constaté les effets et j'en ai condamné les méthodes, et je dois dire que l'opération étoile jaune a, pour moi, effacé un peu les effets de la loi de février 1942, laquelle est tombée en désuétude pour la bonne raison que sont survenus des évènements plus dramatiques, précisément les convois. L'étoile jaune c'était en mai. Dès juillet, les allemands exigeaient la livraison d'hommes et de femmes innocents ». (93)
Dès 1945, Maurice Papon poursuivra sa carrière de haut fonctionnaire : au ministère de l'Intérieur, puis préfet de Corse (1946), préfet de Constantine (1949), secrétaire général de la préfecture de police de Paris (1951-1954), secrétaire général du protectorat du Maroc (1954-1955), préfet régional pendant la guerre d'Algérie (1956-1958), préfet de police (1958-1967). Il entame alors une carrière politique : député du Cher (1967-1978), maire de Saint-Amond-Montrond (1971-1983), ministre du Budget (1978-1981).
Inculpé de crimes contre l'humanité le 19 janvier 1983, suite à des révélations de la presse, il sera condamné à dix ans de réclusion criminelle. Libéré en 2002 pour raisons de santé, il meurt le 17 février 2007 à 96 ans...
La zone libre sans étoile
La zone libre, au sud de la ligne de démarcation, se trouvait depuis la signature de l’armistice du 22 juin 1940, sous l’autorité du gouvernement du maréchal Pétain, à Vichy. Elle sera envahie le 11 novembre 1942 par les allemands et les italiens, suite au débarquement allié en Afrique du Nord le 8 novembre, et deviendra alors la zone sud.
Début juillet 1942, des notes d’indicateurs de Bordeaux et Biarritz, insistent sur l’incompréhension de voir des Juifs réfugiés en zone libre ne pas porter l’étoile :
« On se demande pourquoi les Juifs riches de Paris ne portent pas l’étoile jaune ».
Ils donnent les exemples des frères Lafitte, de Madame Montesquio, fille du constructeur automobile André Citroën, de Madame de Brinon... (94)
Pétain s’opposera à l’extension du port de l’étoile en zone libre, même après son envahissement.
Mais, le 26 août 1942, la grande rafle de la zone libre entraînera l’arrestation, dans 40 départements, de près de 6.584 Juifs étrangers au 28 août, qui croyaient y avoir trouvé refuge. (95)
Par sa loi du 11 décembre 1942, Vichy avait instauré la mention « JUIF », tamponnée à l'encre rouge, sur les cartes d’identité et d’alimentation dans toute la zone sud.
Un dispositif déjà en vigueur à Paris, suite à une ordonnance du préfet de police du 10 décembre 1941.
« Moi vivant, l'étoile juive ne sera pas portée en zone libre » avait dit Pétain au grand rabbin Isaïe Schwartz. (96)
Laval arrêté en août 1945, apportera des précisions sur ce "tampon" dans les mémoires qu’il rédigera dans sa cellule : « Je refusai l'obligation que les Allemands et le commissariat général voulaient imposer aux Juifs en zone sud de porter l'étoile jaune. Les Allemands (...) avaient exigé la loi instituant l'obligation de faire figurer le mot "Juif" sur les cartes d'identité et de ravitaillement. (...) Ce fut le moindre mal, car l'insertion sur les cartes ne gênaient pas les Juifs vis-à-vis des autorités françaises. Elle leur permettait d'échapper, comme travailleurs, au départ pour l'Allemagne, car j'ai toujours donné l'instruction de les exclure des départs. Ils furent seulement requis au tout dernier moment pour les chantiers Todt et il y en eut un nombre infime »... (97)
En dépit de l’opposition de Vichy à l’extension de l’étoile jaune, l’envahissement de tout le territoire après le 11 novembre 1942, suscita les ardeurs des forces d’occupation.
Dans le Pays Basque, où la proximité de la frontière permet à de nombreux Juifs de passer en Espagne, le sous-préfet d’Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques), Louis Tuaillon (1904-1947), écrira le 29 mai 1943, un courrier pour le moins courageux au chef de la Sûreté allemande de Tardets.
Suite à l’évacuation des Juifs de la côte Basque, réfugiés dans plusieurs communes de l'arrondissement, ils ont été « mis dans l'obligation de porter l'étoile jaune à compter du 26 mai » et de se présenter « chaque semaine à la mairie ».
Le sous-préfet, en l'absence d'instructions, estime qu'il n'y a pas lieu de considérer ces « invitations comme devant être suivies d'effet ». Il souligne qu'aucun texte français n'a imposé l'étoile dans la zone sud.
Et de conclure : « si vous pensiez devoir maintenir vos injonctions, je vous serais très obligé de bien vouloir m'en aviser ; je me verrai alors dans l'obligation d'en référer à l'autorité supérieure ». (98)
Louis Tuaillon, né le 11 mai 1904 à Valay (Haute-Saône), a d'abord été ingénieur textile avant de devenir docteur en droit et de débuter sa carrière préfectorale à 24 ans. D'abord comme chef de cabinet du préfet de la Haute-Saône, en 1929, puis de l'Orne en 1930, de la Côte d'Or en 1931. En 1932 il devient directeur de cabinet en Seine-Inférieure puis sous-préfet de Neuf-Château (Vosges) en 1934. En 1938, il sera secrétaire général de la préfecture de Clermont-Ferrand, puis de l’Yonne à la déclaration de guerre.
Sous-préfet d'Oloron en juin 1940, il repart dans le Puy-de-Dôme à l'automne 1940.
Autorisé sur sa demande à rejoindre son unité du Génie sur le front, il est rappelé après l’armistice dans le corps préfectoral pour occuper par intérim les fonctions de sous-préfet d’Oloron-Sainte-Marie, chargé notamment d’organiser l’accueil et l’hébergement des populations réfugiées.
Poursuivant sa carrière, il deviendra au cours de l’année 1943, préfet délégué à Limoges puis à Marseille où il maintient ses contacts avec la résistance.
Son dernier poste sous l’Occupation, en janvier 1944, sera préfet du Lot-et-Garonne.
Dès sa nomination, il entama une lutte ouverte avec les autorités d'occupation, condamnant les crimes de la Milice et interdisant à la police et à la gendarmerie de communiquer des renseignements aux occupants.
Arrêté dans la nuit du 8 au 9 juin 1944 par les agents de la Gestapo d’Agen en compagnie de Pierre Brunon, son chef de cabinet, et de Jean Brachard, sous-préfet de Nérac, ils sont d'abord détenus à la prison Saint-Michel de Toulouse, puis à Compiègne et seront déportés à Neuengamme (Allemagne) et transférés à la forteresse de Terezin (République Tchèque). Libérés en mai 1945, Tuaillon est réintégré en mai 1945 dans le corps préfectoral.
Nommé préfet de Moselle en septembre 1945, il décède en fonction, à Metz, le 31 mars 1947, d'une crise cardiaque suite à une intervention chirurgicale consécutive à une affection contractée en captivité.
Le préfet Jean Chaigneau
et la protection italienne
Dispensés d'étoile jaune, car issus d'un pays allié de l'Allemagne, les ressortissants italiens ont été protégés par leurs autorités consulaires dans tout le sud-est de la France.
A Nice, le préfet Marcel Ribière (1892-1986), ancien chef de cabinet de Raymond Poincaré, dévoué à Pétain, contribuera à la première rafle des juifs du 31 août 1942 en fournissant des listes à la police française. Quelque 554 Juifs, dont une vingtaine d’enfants seront arrêtés et déportés vers Auschwitz.
Laval arrêté en août 1945, apportera des précisions sur ce "tampon" dans les mémoires qu’il rédigera dans sa cellule : « Je refusai l'obligation que les Allemands et le commissariat général voulaient imposer aux Juifs en zone sud de porter l'étoile jaune. Les Allemands (...) avaient exigé la loi instituant l'obligation de faire figurer le mot "Juif" sur les cartes d'identité et de ravitaillement. (...) Ce fut le moindre mal, car l'insertion sur les cartes ne gênaient pas les Juifs vis-à-vis des autorités françaises. Elle leur permettait d'échapper, comme travailleurs, au départ pour l'Allemagne, car j'ai toujours donné l'instruction de les exclure des départs. Ils furent seulement requis au tout dernier moment pour les chantiers Todt et il y en eut un nombre infime »... (97)
En dépit de l’opposition de Vichy à l’extension de l’étoile jaune, l’envahissement de tout le territoire après le 11 novembre 1942, suscita les ardeurs des forces d’occupation.
Louis Tuaillon : le sous-préfet résiste
Louis Tuaillon (dr) |
Dans le Pays Basque, où la proximité de la frontière permet à de nombreux Juifs de passer en Espagne, le sous-préfet d’Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques), Louis Tuaillon (1904-1947), écrira le 29 mai 1943, un courrier pour le moins courageux au chef de la Sûreté allemande de Tardets.
Suite à l’évacuation des Juifs de la côte Basque, réfugiés dans plusieurs communes de l'arrondissement, ils ont été « mis dans l'obligation de porter l'étoile jaune à compter du 26 mai » et de se présenter « chaque semaine à la mairie ».
Le sous-préfet, en l'absence d'instructions, estime qu'il n'y a pas lieu de considérer ces « invitations comme devant être suivies d'effet ». Il souligne qu'aucun texte français n'a imposé l'étoile dans la zone sud.
Et de conclure : « si vous pensiez devoir maintenir vos injonctions, je vous serais très obligé de bien vouloir m'en aviser ; je me verrai alors dans l'obligation d'en référer à l'autorité supérieure ». (98)
Louis Tuaillon, né le 11 mai 1904 à Valay (Haute-Saône), a d'abord été ingénieur textile avant de devenir docteur en droit et de débuter sa carrière préfectorale à 24 ans. D'abord comme chef de cabinet du préfet de la Haute-Saône, en 1929, puis de l'Orne en 1930, de la Côte d'Or en 1931. En 1932 il devient directeur de cabinet en Seine-Inférieure puis sous-préfet de Neuf-Château (Vosges) en 1934. En 1938, il sera secrétaire général de la préfecture de Clermont-Ferrand, puis de l’Yonne à la déclaration de guerre.
Sous-préfet d'Oloron en juin 1940, il repart dans le Puy-de-Dôme à l'automne 1940.
Autorisé sur sa demande à rejoindre son unité du Génie sur le front, il est rappelé après l’armistice dans le corps préfectoral pour occuper par intérim les fonctions de sous-préfet d’Oloron-Sainte-Marie, chargé notamment d’organiser l’accueil et l’hébergement des populations réfugiées.
Poursuivant sa carrière, il deviendra au cours de l’année 1943, préfet délégué à Limoges puis à Marseille où il maintient ses contacts avec la résistance.
Son dernier poste sous l’Occupation, en janvier 1944, sera préfet du Lot-et-Garonne.
Dès sa nomination, il entama une lutte ouverte avec les autorités d'occupation, condamnant les crimes de la Milice et interdisant à la police et à la gendarmerie de communiquer des renseignements aux occupants.
Arrêté dans la nuit du 8 au 9 juin 1944 par les agents de la Gestapo d’Agen en compagnie de Pierre Brunon, son chef de cabinet, et de Jean Brachard, sous-préfet de Nérac, ils sont d'abord détenus à la prison Saint-Michel de Toulouse, puis à Compiègne et seront déportés à Neuengamme (Allemagne) et transférés à la forteresse de Terezin (République Tchèque). Libérés en mai 1945, Tuaillon est réintégré en mai 1945 dans le corps préfectoral.
Nommé préfet de Moselle en septembre 1945, il décède en fonction, à Metz, le 31 mars 1947, d'une crise cardiaque suite à une intervention chirurgicale consécutive à une affection contractée en captivité.
Le préfet Jean Chaigneau
et la protection italienne
Dispensés d'étoile jaune, car issus d'un pays allié de l'Allemagne, les ressortissants italiens ont été protégés par leurs autorités consulaires dans tout le sud-est de la France.
A Nice, le préfet Marcel Ribière (1892-1986), ancien chef de cabinet de Raymond Poincaré, dévoué à Pétain, contribuera à la première rafle des juifs du 31 août 1942 en fournissant des listes à la police française. Quelque 554 Juifs, dont une vingtaine d’enfants seront arrêtés et déportés vers Auschwitz.
Mais, lorsque le 11 novembre 1942, la Wehrmacht franchit la ligne de démarcation pour occuper la zone libre, les
allemands concèdent à leurs alliés italiens l’occupation de dix départements (Alpes-Maritimes, Var, Basses-Alpes,
Hautes-Alpes, Drôme, Isère, Savoie, Haute-Savoie, Vaucluse, Ain) et la Corse.
Les Italiens sont opposés à la déportation massive des Juifs. Ainsi, le consul italien de Nice, Alberto Calisse, dans une lettre du 12 janvier 1943, souligne que l'étoile jaune « ne saurait concerner les Israélites résidant dans les zones où cantonnent les troupes italiennes, étant donné que toutes les mesures concernant le problème des Israélites, dans la dite zone doivent être effectuées exclusivement par des organismes italiens ».
Dès le 27 décembre, il refusa également d’appliquer la loi de Vichy du 11 décembre, obligeant le tampon « J » sur les papiers d’identité des Juifs.
Aussi, les préfets seront obligés de suspendre le port de l'étoile, fait relevé dans un article du "TImes" du 21 janvier 1943. (99)
Lorsque le 18 février 1943, la police française procède à de nouvelles rafles de juifs étrangers en zone sud, les italiens protègeront les juifs, comme à Annecy où la gendarmerie sera cernée par les militaires italiens qui demanderont la remise en liberté de juifs étrangers arrêtés. (100)
Ribière, en délicatesse avec Vichy car opposé à la politique de la relève, démissionne de son poste en avril 1943. Il sera remplacé en mai par Jean Chaigneau (1895-1955).
A partir du 23 juillet 1943, il viendra conforter l'attitude italienne, allant jusqu'à ordonner la régularisation de tous les juifs étrangers vivant dans les Alpes-Maritimes. (101)
Il fera aussi disparaître le double des listes de recensement conservées à la préfecture.L'original servira malheureusement, lors de l'occupation allemande, à partir du 10 septembre 1943, pour pratiquer des arrestations massives.
Une véritable panique éclata alors chez les juifs de Nice, arrêtés par milliers, sous les ordres d'Aloïs Brunner.
Depuis son QG de l'hôtel Excelsior, il organise les rafles contre les 1.800 juifs fichés. Il ira en personne au consulat italien récupérer les dossiers mais les diplomates lui répondront qu'ils ont été transférés à Rome...
Jusqu'au 16 décembre, 1.850 juifs seront arrêtés et déportés. Parmi eux, Arno Klarsfeld, arrêté le 30 septembre 1943, le père de Serge Klarsfeld. (102)
Le préfet Chaigneau ira jusqu'à héberger des familles dans ses appartements de la préfecture, lors de la grande rafle de l’automne 1943.
Arrêté le 14 mai 1944 pour n’avoir pas répondu à la demande du chef départemental de la Milice, transmise le 5 février 1944, de donner la liste des juifs du département. (103)
Déporté au camp d'Eisenberg, il est libéré et rapatrié le 11 mai 1945.
De retour à Nice, il tente une carrière politique en se présentant aux législatives d’octobre 1945 mais sa liste « Entente républicaine » n’obtiendra que 8 % des suffrages.
Préfet résistant, saint-cyrien, entré dans la préfectorale en 1919, il s'était déjà illustré en Indre-et-Loire.
Préfet à Tours de novembre 1940 à novembre 1941, il fit libérer des juifs prisonniers du camp de La Lande, à Monts, en septembre 1941.
Il agira après avoir été prévenu par un courrier de Simone Kahn, qu'il avait connu avant-guerre, et qui se trouvait à La Lande avec son fils Robert, et une vingtaine d'autres personnes.
Après avoir vérifié leurs identités, Chaigneau viendra en personne au camp et donnera l’ordre de libérer ces juifs français, et leur fera prendre le premier train pour Paris.
Pour cette attitude, l’amiral Darlan voudra l'exclure de la préfectorale mais compte tenu de ses états de service durant la guerre de 1914-1918, il sera muté en Seine-et- Marne, jusqu’à sa nomination dans les Alpes-Maritimes.
Après instruction d'un dossier de reconnaissance du titre de Juste devant les Nations, Yad Vashem a décidé de ne pas accepter la demande.
(93) Le procès de Maurice Papon (Albin Michel, 1998)
(94) CDJC XLIXa-107 Lettre du 9 août 1942, du service IV J de la Sipo-SD de Bordeaux, accompagnée de deux notes d’indicateurs des 4 et 10 juillet 1942.
(95) Lire Serge Klarsfeld : « Vichy-Auschwitz » Le rôle de Vichy dans la Solution finale de la question juive en France. 1942 (Fayard, 1983) p. 135 à 161
(96) Témoignage de Paul Estèbe, chef adjoint du cabinet de Pétain à Raymond Tournoux, cité dans "Pétain et la France", Plon 1980, p.305)
(97) Cité par Michèle Cointet : « Pétain et les Français » (Perrin, 2002), p. 138
(98) Archives départementales des Pyrenées-Atlantiques : lettre du sous-préfet d'Oloron SDA64 - Pau
(99) CDJC XXVa-339 Article du « Times » du 21 janvier 1943
(100) CDJC XXVa-274a Note du 22 février 1943 de Kurt Lischka sur l'attitude italienne
(101) CDJC XXVa-247 Lettre du 23 juillet 1943 du service des cartes d'identité d'étrangers de la préfecture des Alpes-Maritimes au commissaire divisionnaire de Nice et note du 23 septembre 1943 concernant le traitement des Juifs en zone d’occupation italienne
(102) Serge Klarsfeld : " Nice, hôtel Excelsior ", Association Les Fils et Filles des déportés juifs de France, 1998, p.51
(103) Archives départementales des Alpes-Maritimes, 616 W 233
Les Italiens sont opposés à la déportation massive des Juifs. Ainsi, le consul italien de Nice, Alberto Calisse, dans une lettre du 12 janvier 1943, souligne que l'étoile jaune « ne saurait concerner les Israélites résidant dans les zones où cantonnent les troupes italiennes, étant donné que toutes les mesures concernant le problème des Israélites, dans la dite zone doivent être effectuées exclusivement par des organismes italiens ».
Dès le 27 décembre, il refusa également d’appliquer la loi de Vichy du 11 décembre, obligeant le tampon « J » sur les papiers d’identité des Juifs.
Aussi, les préfets seront obligés de suspendre le port de l'étoile, fait relevé dans un article du "TImes" du 21 janvier 1943. (99)
Lorsque le 18 février 1943, la police française procède à de nouvelles rafles de juifs étrangers en zone sud, les italiens protègeront les juifs, comme à Annecy où la gendarmerie sera cernée par les militaires italiens qui demanderont la remise en liberté de juifs étrangers arrêtés. (100)
Ribière, en délicatesse avec Vichy car opposé à la politique de la relève, démissionne de son poste en avril 1943. Il sera remplacé en mai par Jean Chaigneau (1895-1955).
A partir du 23 juillet 1943, il viendra conforter l'attitude italienne, allant jusqu'à ordonner la régularisation de tous les juifs étrangers vivant dans les Alpes-Maritimes. (101)
Il fera aussi disparaître le double des listes de recensement conservées à la préfecture.L'original servira malheureusement, lors de l'occupation allemande, à partir du 10 septembre 1943, pour pratiquer des arrestations massives.
Une véritable panique éclata alors chez les juifs de Nice, arrêtés par milliers, sous les ordres d'Aloïs Brunner.
Depuis son QG de l'hôtel Excelsior, il organise les rafles contre les 1.800 juifs fichés. Il ira en personne au consulat italien récupérer les dossiers mais les diplomates lui répondront qu'ils ont été transférés à Rome...
Jusqu'au 16 décembre, 1.850 juifs seront arrêtés et déportés. Parmi eux, Arno Klarsfeld, arrêté le 30 septembre 1943, le père de Serge Klarsfeld. (102)
Le préfet Chaigneau ira jusqu'à héberger des familles dans ses appartements de la préfecture, lors de la grande rafle de l’automne 1943.
Arrêté le 14 mai 1944 pour n’avoir pas répondu à la demande du chef départemental de la Milice, transmise le 5 février 1944, de donner la liste des juifs du département. (103)
Déporté au camp d'Eisenberg, il est libéré et rapatrié le 11 mai 1945.
De retour à Nice, il tente une carrière politique en se présentant aux législatives d’octobre 1945 mais sa liste « Entente républicaine » n’obtiendra que 8 % des suffrages.
Préfet résistant, saint-cyrien, entré dans la préfectorale en 1919, il s'était déjà illustré en Indre-et-Loire.
Préfet à Tours de novembre 1940 à novembre 1941, il fit libérer des juifs prisonniers du camp de La Lande, à Monts, en septembre 1941.
Il agira après avoir été prévenu par un courrier de Simone Kahn, qu'il avait connu avant-guerre, et qui se trouvait à La Lande avec son fils Robert, et une vingtaine d'autres personnes.
Après avoir vérifié leurs identités, Chaigneau viendra en personne au camp et donnera l’ordre de libérer ces juifs français, et leur fera prendre le premier train pour Paris.
Pour cette attitude, l’amiral Darlan voudra l'exclure de la préfectorale mais compte tenu de ses états de service durant la guerre de 1914-1918, il sera muté en Seine-et- Marne, jusqu’à sa nomination dans les Alpes-Maritimes.
Après instruction d'un dossier de reconnaissance du titre de Juste devant les Nations, Yad Vashem a décidé de ne pas accepter la demande.
(93) Le procès de Maurice Papon (Albin Michel, 1998)
(94) CDJC XLIXa-107 Lettre du 9 août 1942, du service IV J de la Sipo-SD de Bordeaux, accompagnée de deux notes d’indicateurs des 4 et 10 juillet 1942.
(95) Lire Serge Klarsfeld : « Vichy-Auschwitz » Le rôle de Vichy dans la Solution finale de la question juive en France. 1942 (Fayard, 1983) p. 135 à 161
(96) Témoignage de Paul Estèbe, chef adjoint du cabinet de Pétain à Raymond Tournoux, cité dans "Pétain et la France", Plon 1980, p.305)
(97) Cité par Michèle Cointet : « Pétain et les Français » (Perrin, 2002), p. 138
(98) Archives départementales des Pyrenées-Atlantiques : lettre du sous-préfet d'Oloron SDA64 - Pau
(99) CDJC XXVa-339 Article du « Times » du 21 janvier 1943
(100) CDJC XXVa-274a Note du 22 février 1943 de Kurt Lischka sur l'attitude italienne
(101) CDJC XXVa-247 Lettre du 23 juillet 1943 du service des cartes d'identité d'étrangers de la préfecture des Alpes-Maritimes au commissaire divisionnaire de Nice et note du 23 septembre 1943 concernant le traitement des Juifs en zone d’occupation italienne
(102) Serge Klarsfeld : " Nice, hôtel Excelsior ", Association Les Fils et Filles des déportés juifs de France, 1998, p.51
(103) Archives départementales des Alpes-Maritimes, 616 W 233