"Le Dernier métro" de François Truffaut a obtenu dix César en 1981. Jusqu'au Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau en 1991, il était le film le plus primé. Retour sur ce récit doublement autobiographique vécu pendant l'Occupation par la scénariste Suzanne Schiffman et la danseuse Margaret Kelly.
Née Suzanne Klochendler, le 27 septembre 1929, et décédée à 71 ans, le 6 juin 2001, elle effectua des études de lettres à la Sorbonne, puis rejoindra Edgar Morin au CNRS, avant de devenir assistante de Jacques Rivette sur le tournage de "Paris nous appartient" en 1958.
Avec "Tirez sur le pianiste" (1960) elle devient la scripte de François Truffaut.
La même année, Jean-Luc Godard fait appel à ses compétences pour "Une femme est une femme".
Elle enchaîne avec "Le Mépris" (1963), "Pierrot le fou" (1965) et "Week-end" (1967).
François Truffaut lui permettra d'exprimer la plénitude de son talent depuis "Baisers volés" (1968) jusqu'à son dernier film "Vivement dimanche !" (1983).
En 1974, elle sera co-scénariste de "La Nuit américaine" avec Jean-Pierre Léaud et Jacqueline Bisset.
En 1975, elle remporte le prix du meilleur scénario au New York Films Critics Circle Awards pour "Histoire d'Adèle H", autre film majeur de Truffaut, avec Isabelle Adjani.
La profession la reconnaît vraiment en lui décernant le César du meilleur scénario, en 1981, pour "Le Dernier métro", réalisé en 1980 par Truffaut, aux côtés de Jean-Claude Grumberg.
Ce film restera le plus récompensé du cinéma français avec pas moins de dix César, jusqu'en 1991 où le "Cyrano de Bergerac" de Jean-Paul Rappeneau, obtiendra aussi dix César. Ces performances n'ont pas été dépassées depuis.
César du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario, du meilleur acteur (Gérard Depardieu), de la meilleure actrice (Catherine Deneuve), du meilleur montage (Martine Barraqué-Currie), de la meilleure musique (Georges Delerue), du meilleur son (Michel Laurent), du meilleur décor (Jean-Pierre Kohut-Svelko) et de la meilleure photo (Nestor Almendros).
Au total, douze nominations avec les deux seconds rôles oubliés d'Andréa Ferréol et Heinz Bennent et des interprètes excellents comme Richard Bohringer en officier de la Gestapo, Paulette Dubost, Maurice Risch, Sabine Haudepin...
Le "Dernier Métro" connaîtra un très gros succès avec près de 3.400.000 entrées en France et pas moins de dix semaines de programmation à Paris et plus de 706.000 entrées.
L'étoile jaune cachée
par un foulard...
Dans "Le Dernier métro", Suzanne Schiffman a introduit des éléments biographiques vécus pendant l'Occupation, comme lorsque la jeune juive cache son étoile jaune derrière un foulard pour aller aux spectacles.
Son père, juif polonais, vivait caché dans un grenier comme le père de Rosette Goldstern, et Lucas Steiner, le mari de Marion (Deneuve), qui assure la direction du théâtre Montmartre à la place de son mari... juif.
Chaque soir elle lui rend visite et lui parle des prestations des comédiens, notamment du jeune premier Bernard Granger (Depardieu), dont elle est tombée amoureuse.
Lors de la générale, la troupe subit les menaces du critique de "Je suis partout" qui ambitionne de diriger la Comédie Française. La Gestapo décide une perquisition au théâtre mais Granger, qui est aussi dans la résistance, aidera Lucas à s'échapper...
La vie de Margaret Kelly
et de Marcel Leibovici
Margaret Kelly cacha son mari jusqu'à la Libération de Paris |
Cette danseuse irlandaise est surtout connue sous le nom de Miss Bluebell pour avoir fondé la revue des Bluebell Girls au Lido de Paris.
Leibovici, juif roumain, pianiste et compositeur aux Folies Bergères, arrêté en 1942, sera interné au camp de Gurs où la Résistance aidera à le faire évader.
Il rejoindra Paris où sa femme le cachera en face de la Préfecture de Police jusqu'à la Libération. Interrogée par la Gestapo, elle ne craquera pas.
Le personnage de Jean-Loup Cottins, joué par Jean Poiret, rappelle les déboires de Sacha Guitry arrêté à la Libération. Et la scène où Gérard Depardieu s'en prend au critique de "Je suis partout" est tirée des faits qui opposèrent Jean Marais à Alain Laubreaux, journaliste qui sera condamné à mort par contumace en 1947 pour collaboration.
"Le Dernier Métro" est également inspiré par "Carola", une pièce de théâtre de Jean Renoir, adaptée en 1973 pour la télévision américaine avec Leslie Caron.
Près de 40 ans après "Le Dernier Métro", le nom de Suzanne Schiffman reste très présent dans le cinéma français : son fils ainé Mathieu Schiffman est acteur et assistant réalisateur.
Son deuxième fils, Guillaume Schiffman, est directeur photo. Il est le père, avec la réalisatrice Emmanuelle Bercot, de Némo Schiffman, acteur et chanteur.
Le frère de Suzanne, Michel Klochendler, né en 1957, est monteur et a travaillé pour Truffaut, Pialat, Rivette, Téchiné.
T.N.
Pour en savoir plus : deux ou trois choses que vous ne saviez (peut-être pas) sur "Le Dernier métro"
https://data.bnf.fr/12886729/suzanne_schiffman/