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vendredi 21 août 2020

Les espoirs déçus des anciens combattants

Dans une lettre du 3 juin 1942 adressée au chef de la Sipo-SD, Amélie Alméras, fait une demande d'exemption de l'étoile jaune qu'elle justifie par le fait que trois de ses frères ont participé à la Première Guerre Mondiale aux côtés des français et qu'un autre frère est actuellement prisonnier de guerre en Allemagne. En guise de réponse, Theodor Dannecker ordonne dans une note manuscrite de ne pas accorder d'exemption à Mme Alméras. (CDJC-XLIXa-51a)


Les anciens combattants Juifs n'échappent donc pas à l'étoile jaune. 

Nombre d'entre eux, qui vénèrent le maréchal Pétain, lui adressent directement des courriers :


Le 18 août 1942Armand Abraham Reis, né le 13 mars 1879 à Mutzig (Bas-Rhin) fait appel à la "bienveillance" du maréchal :


Monsieur le Maréchal,

J'ai l'honneur de solliciter votre haute bienveillance sur l'attention de mon cas particulier.

Comme Juif, je suis interné dans le camp de La Lande, par Monts (Indre-et-Loire), pour avoir voulu franchir la ligne de démarcation, sans être porteur de l'insigne, et sans autorisation de déplacement ; je mérite en effet une peine disciplinaire pour infraction à l'ordonnance allemande en vigueur ".

En raison de mes états de service et de ceux de ma famille, je me permets, M. le Maréchal d'intervenir auprès des autorités allemandes, d'adoucir ou d'écourter ma peine ".

Il invoque ses états de service au 152e régiment d'infanterie et rappelle qu'il a " eu le très grand honneur " de servir en qualité de chauffeur dans l'état-major particulier du maréchal pendant plus de deux ans, au groupe d'Armée du Centre et du Grand Quartier général, puis comme attaché, et conducteur personnel du général Fayolle, jusqu'à sa démobilisation en février 1919.

M. Reis insiste sur son état de santé et les actions des membres de sa famille : son frère, ingénieur et officier d'artillerie, chevalier de la Légion d'honneur, décédé suite à une maladie contractée sur le front. Egalement, son beau-père, médecin-chef, et sa soeur, infirmière-major, sans oublier son épouse qui " partage mon malheureux sort, m'ayant accompagné ". (AD37-120W35)


Les béquilles de Wigdor Fajnzylberg


Victor Faynzylberg et ses enfants (Images de la
Mémoire Juive, immigration et intégration en France
depuis 1880. Liana Lévi, 2000)
Cette photo sera adressée au maréchal Pétain par Wigdor Fajnzylberg. Ce coiffeur de 34 ans, qui habite boulevard de la Villette, s'est fait photographier avec ses deux enfants et ses béquilles, sur les conseils d'un voisin, pour appuyer la demande de libération de son épouse Ita, 42 ans, née Mikowski, arrêtée en juillet 1942.

Ce soldat originaire de Laskarzew (Pologne) a été amputé de sa jambe gauche en 1940 alors qu'il était soldat du 22e régiment de marche étranger.

Avec sa croix de guerre et sa médaille militaire, bien visibles, il est avec sa fille Liza qui porte l'étoile, alors que son petit garçon n'est pas en âge de la porter.

Dans une lettre du 16 juillet 1942, le président de la Fédération des amputés de guerre avait demandé au Commissariat Général aux Questions Juives une intervention d'urgence pour cette libération, en mettant en avant la situation de Fajnzylberg. Il expliquait " qu'il n'est pas guéri de son amputation et doit subir quotidiennement des soins particuliers. Il ne peut utiliser que des béquilles pour se déplacer ". Il précisait que Wigdor Fajnzylberg habite un logement au 5e étage et que " sa situation est particulièrement navrante du fait qu'il reste seul avec ses deux enfants en bas âge ".

Le 23 juillet 1942, réponse en sept lignes, formule de politesse comprise : " les autorités occupantes s'opposent à toute mesure de faveur ". (CDJC-CXCIV-92)

Ita Fajnzylberg sera déportée à Auschwitz par le convoi n° 34 au départ de Drancy, le 18 septembre 1942. Wigdor, arrêté chez lui, emporté ligoté sur une civière, sera du convoi n° 68 du 10 février 1944.


Ernestine Frenkel cherchait sa fille Zena

Cette épouse de prisonnier de guerre, sans nouvelle de sa fille arrêtée, écrit une lettre poignante à Mme Pétain.

Zena Frenkel, 17 ans, a été interpellée le 12 septembre 1942 à Evreux, pour ne pas avoir porté l'étoile jaune.

Condamnée à dix semaines de prison, elle aurait dû être libérée mais, passé les 4-5 décembre, sa mère, Ernestine Frenkel, qui habite à Paris, restait sans nouvelles, sa dernière lettre remontant au 9 novembre.

Dans sa lettre du 9 décembre 1942, Mme Frenkel dit être " une mère en grande détresse ", et a la conviction que " seulement vous, avec l'aide de Dieu, pouvez restaurer le bonheur à notre foyer " (...) " J'espère que mon appel à votre bon coeur ne sera pas vain ". (CDJC-LXI-103b Ensemble de documents de décembre 1942 et de janvier 1943 concernant l'internement de Mlle Zéna Frenkel)

Elle explique que son mari est prisonnier de guerre : " Ayez donc pitié de nous, Madame la Maréchale. Humblement, je vous supplie de faire tout ce qui est humainement possible, d'attendrir les autorités occupantes en sa faveur.

Pensez à l'inquiétude de ma fille de ne pouvoir plus avoir le droit de m'écrire et de ne pas savoir ce qu'on a l'intention de faire d'elle, et à l'inquiétude de mon mari et de moi-même.

Laissez moi espérer que tout n'est pas encore perdu, que je verrai ma petite bientôt pour me consoler pendant l'attente de la libération de mon mari ".

En post-scriptum, elle précise : " J'étais donneuse de sang bénévole pour les blessés de guerre ".

Ernestine Frenkel adressera aussi un courrier au Service diplomatique des prisonniers de guerre de Georges Scapini, qui fera suivre sa demande de libération au Commissariat général aux questions juives.

Réponse le 29 janvier 1943 : " dans les circonstances actuelles, il ne peut être donné une suite favorable à la requête de Mme Frenkel "...


En janvier 1943, Mme Leib réclamera, en vain, la libération de son mari, ancien combattant, arrêté à la Bastille. Dans une lettre elle affirme qu'il portait bien son étoile jaune mais " qu'elle était un peu cachée par son manteau ". Sa lettre est appuyée par un courrier de l'adjoint au maire de Saint-Maur-des-Fossés, président adjoint de l'Union nationale des combattants.

Darquier de Pellepoix, Commissaire Général aux Questions Juives, répondra à l'élu qu'il ne peut rien faire. (CDJC-CII-85a Lettres des 24 et 26 janvier 1943, et du 24 février 1943.)

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