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mercredi 12 août 2020

Le maréchal Pétain et ses trois "protégées"

La 8e ordonnance allemande interdisait aux Juifs de zone occupée, dès l'âge de six ans, de paraître en public sans porter l’étoile jaune. Elle entra en vigueur le dimanche 7 juin 1942. 

Cette affiche de propagande a été produite
en 1942, et apposée dans la France occupée
Cette nouvelle législation, présentée comme une mesure de maintien de l'ordre, est publiée au journal officiel allemand, le Verordnungsblatt für die besetzten französischen Gebiete
L'ordonnance comportait trois paragraphes :

1- Dès l'âge de six ans, les Juifs doivent porter l'étoile jaune en public.
L'étoile juive est une étoile à six pointes ayant les dimensions de la paume d'une main et les contours noirs. Elle est en tissu jaune et porte en caractères noirs l'inscription "Juif". Elle devra être portée bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine, solidement cousue sur le vêtement.

2- Les infractions seront punies d'emprisonnement et d'amende ou d'une de ces peines. Des mesures de police, telles que l'internement dans un camp de juifs, pourront s'ajouter ou être substituées à ces peines.

3- L'ordonnance entre en vigueur le 7 juin 1942. (1)

L'étoile jaune arrive deux mois après le premier convoi de Juifs déportés à Auschwitz le 27 mars 1942, et un mois et demi avant la rafle du Vél d'Hiv du 16 juillet. 
Désormais, le Magen David, jusqu'alors symbole protecteur du judaïsme désignait publiquement les « coupables » et un prétexte aux arrestations...
Ce « marquage » à l’étoile jaune, « portée bien visible sur le côté gauche de la poitrine, solidement cousue sur le vêtement », pour reprendre le texte de l’ordonnance, restera le symbole suprême de la discrimination, de l'exclusion et de l'humiliation, facilitant la ségrégation et le repérage dans les espaces publics. 
« L’étoile juive » - terme utilisé dans l’ordonnance - a d’abord été instaurée en Pologne au 1er décembre 1939, sous forme d’un brassard, puis en Allemagne au 1er septembre 1941, aux Pays-Bas en avril 1942 et en Belgique au 1er juin 1942. 
Dans la France occupée, l'ordonnance est signée par le commandant militaire Carl-Heinrich von Stülpnagel.

83.000 étoiles distribuées 

Jusqu'au 17 juin 1942, 83.000 étoiles ont été distribuées dans les commissariats par la police française, en échange d'un point textile prélevé sur les cartes de rationnement. Le recensement de 1941 tablait sur 115.000 Juifs vivant en zone occupée. 
Pour Heinz Röthke, adjoint du chef de la section IV J de la Gestapo à Paris, chargé de la « Question juive » - il dirigea le camp de Drancy du 16 juillet 1942 au 2 juillet 1943 - la différence a une explication : des Juifs s'étaient réfugiés en zone libre, certains ont été déportés, d'autres n'avaient pas encore récupéré leur étoile. D'autres encore comptaient parmi les ressortissants provisoirement dispensés pour éviter des représailles contre les ressortissants allemands. (2)
Outre ces dispenses collectives, le dispositif dérogatoire des exemptions prévoyait des mesures exceptionnelles et individuelles : « Lors de circonstances spéciales, dans l'intérêt du Reich, des dérogations à l'ordonnance peuvent être prévues dans des cas isolés ». (3)
Un précieux certificat servait en cas de contrôle.

Seulement trois demandes du maréchal Pétain

CDJC-XLIXa-90a : lettre du 12 juin 1942 du maréchal Pétain à
Fernand de Brinon et note rajoutée par Bömelburg, chef de la Gestapo
Le 12 juin 1942, le maréchal Pétain exprime sa volonté d'obtenir des exemptions en faveur de relations mondaines féminines, nouées avant-guerre. 
Un courrier est adressé à Fernand de Brinon, son ambassadeur à Paris : 

« Mon Cher Ambassadeur,
Mon attention vient d’être attirée à plusieurs reprises sur la situation douloureuse qui serait créée dans certains foyers français si la récente ordonnance des Autorités d’Occupation, instituant le port d’un insigne spécial pour les Juifs, était appliquée sans qu’il soit possible d’obtenir des discriminations naturelles et nécessaires. Je suis convaincu que les Hautes Autorités Allemandes comprennent parfaitement elles-mêmes que certaines exemptions sont indispensables : le texte de la 8e ordonnance les prévoit d’ailleurs. Et cela me semble nécessaire pour que de justes mesures prises contre les israélites soient comprises et acceptées par les Français. Je vous demande donc d’insister auprès du Général Commandant les Troupes d’Occupation en France pour qu’il veuille bien admettre le point de vue que vous lui exposerez de ma part pour que M. le Commissaire Général aux Questions Juives puisse promptement obtenir la possibilité de régler par des mesures individuelles et exceptionnelles certaines situations particulièrement pénibles qui pourraient nous être signalées ». 

Cette lettre de Pétain « le stigmatise autant que la poignée de main à Montoire. Loin de protester contre l’étoile jaune, il la rend, en quelque sorte, officielle, en demandant aux autorités allemandes d’admettre à son port des cas personnels d’exemption » commentera Justin Godart (ancien ministre, qui fut parmi les 80 parlementaires n’ayant pas voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940), dans sa préface au livre de Léon Poliakov, « L’étoile jaune » (Editions du CDJC, 1949).

Une note en bas de page, du chef de la Gestapo Karl Bömelburg précise qu'il pourra s'agir de 100 cas et la liste devra être contresignée par le chef du gouvernement et les demandes classées d'après l'urgence et leur nombre, en y ajoutant l'identité exacte et les motifs détaillés. (4) 

Cette liste qui devait être transmise pour le 22 juin le sera finalement le 3 juillet. 
Elle se limitera à seulement trois demandes transmises à Brinon par Bernard Ménétrel, le secrétaire particulier de Pétain : 
« Le Maréchal a été heureux de savoir que sa demande avait été prise en considération et il a été sensible à la réponse qui lui a été faite. Vous voudrez bien, je vous prie, en son nom remercier les Autorités Allemandes de leur compréhension. Vous pourrez faire savoir que les dérogations ne peuvent être, dans l'esprit du Maréchal, que tout à fait individuelles et qu'elles ne seront dictées que par dès considérations d'ordre familial. Ainsi que vous me l'avez demandé, voici quelques renseignements concernant les deux demandes qui ont été formulées verbalement pour : 
1. Mme de Chasseloup-Laubat, née Marie-Louise, Fanny, Clémentine, Thérèse Stern, à Paris le 4 février 1879. Mlle Stern a épousé le 21 juillet 1900 à la mairie du 8e le Marquis Louis de Chasseloup-Laubat, aryen, ingénieur civil. La marquise est convertie au catholicisme le 21 août 1900, a eu trois enfants, tous mariés, la Princesse Achille Murat, le Comte François de Chasseloup-Laubat, la Baronne Fernand de Seroux. 

2. Mme de Langlade, née Lucie Stern (20 octobre 1882), sœur de la Marquise de Chasseloup-Laubat. Lucie Stern a épousé le 11 avril 1904 Pierre Girot de Langlade, aryen. Elle s'est convertie au catholicisme le 17 juin 1911. De ce mariage est issu un fils, Louis de Langlade, agriculteur.
 
Je pense qu'à ces demandes pourrait être jointe celle de Mme la Générale Billotte, dont je vous avais adressé la lettre reçue par le Maréchal, ainsi que copie de la réponse que je lui ai faite. » (5)

La marquise de Chasseloup-Laubat et deux de ses enfants 
par R. Mantovani-Gutty
Les deux sœurs Stern sont les filles du baron Louis Antoine Stern (1840-1900), dirigeant de la banque Stern, et de son épouse Ernesta-Miriam Hierschel de Minerbi (1854-1926). 
Elles ont deux frères, Jean (1875-1962), banquier mais aussi escrimeur célèbre, champion olympique en 1908, et Charles (1886-1940), mécène et artiste-peintre. 

Le père du marquis de Chasseloup-Laubat (1879-1964), Prosper de Chasseloup-Laubat (1805-1876) fut député, conseiller d’Etat et ministre de la Marine. 

Outre le mariage civil mentionné par Ménétrel, Marie-Louise Stern qui n'avait pas encore abjuré sa religion d'origine, se maria dans une chapelle de l'ancienne église Saint-Pierre de Chaillot, en toute intimité - le baron Stern était mort le 11 février 1900 - en présence des plus proches parents et des témoins : le frère du marié et l'oncle de la mariée, le banquier Jacques Stern, un des fondateurs de la Banque de Paris et des Pays-Bas, peu de temps avant sa mort. (6) 
Les trois enfants du couple sont Magdeleine (1901-1945), François (1904-1968) et Yolande (1907-1998). 

Mme de Chasseloup-Laubat obtiendra son exemption et échappera à la déportation. Le 9 janvier 1964, elle décède à Paris, à l'âge de 84 ans.
Assignée à résidence, elle disposait d'une autorisation de voyage pour " cause de maladie grave " afin de visiter sa sœur au château de Cuts (Oise) et sa fille au Yolande au château de la Mothe à Béthisy-Saint-Martin (Oise). Autorisation valable du 3 mars au 13 mai 1943, et prolongée jusqu'au 31 octobre 1944. (7)

Après guerre, son fils François de Chasseloup-Laubat sera le dernier visiteur de Pétain, prisonnier de l'Ile d'Yeu quatre jours avant son dernier soupir. 
Un témoignage consigné dans un album hagiographique, co-écrit en 1951 avec le Gal Weygand, Jean Tracou, ancien directeur de cabinet du maréchal, les académiciens Jérome et Jean Tharaud (antisémites notoires), et l'abbé Bailly, curé de l'Ile d'Yeu. 
En 1947 et 1948 il se rendra plusieurs fois à l'Ile d'Yeu et restera quelques jours auprès de la maréchale, pour l'accompagner jusqu'au pied du Fort où Pétain était détenu. (8) 

Pourquoi Pétain protégea les sœurs Stern ? 

L'influente famille Stern et le couple Pétain se connaissaient de longue date. 
Une relation entretenue au gré d'évènements importants. Pendant la Première Guerre Mondiale, en 1917-1918, le grand quartier général de Pétain se trouvait à Compiègne (Oise), à moins de 30 km du château de Cuts, propriété de la baronne Girot de Langlade. 
Il participait à des chasses ou à des dîners à leur domicile parisien de la rue Léonard de Vinci. Présidente de la Croix-Rouge de l’Oise, la baronne transforma son château en dispensaire militaire en 1914. En 1917, les Allemands incendient le château qui sera reconstruit en 1926. 
Yolande, la fille de Mme de Chasseloup-Laubat, qui se maria le 8 juin 1927 avec le capitaine de cavalerie Fernand de Seroux, en la Chapelle Saint-Louis des Invalides, avait pour témoins le maréchal Pétain et Jean Stern, son oncle. Le marié avait choisi le Colonel de Ganay et le général Charles Brécard, un proche collaborateur de Pétain, secrétaire général du chef de l’État de juillet à octobre 1940, puis à partir d'août 1942 président du Conseil de la Francisque, ordre instauré par le maréchal, et grand chancelier de la Légion d’honneur jusqu’en juillet 1944. (9) 

(Ndlr : Fabien Chalandon, fils de Salomé Murat et d'Albin Chalandon, et petit-fils de Magdeleine de Chasseloup-Laubat, nous apporte son témoignage : "le Maréchal Pétain était le témoin de mariage de Yolande de Chasseloup-Laubat, mais aussi de Magdeleine, sa soeur et ma grand-mère. De plus, le 27 juin 1942, Marie-Louise de Chasseloup-Laubat, née Stern, et sa sœur, Lucie de Langlade, déjà spoliées de leurs biens par les lois anti-juives, étaient arrêtées par la police française et remises à la Gestapo, pour être déportées. Marie-Louise échappa comme sa descendance à la furie antisémite nazie grâce à l’intervention de Philippe Pétain, le témoin de mariage de ses enfants. C’est sa petite fille, Salomé, née princesse Murat, qui se rendit à la demande de son père à Vichy à l’âge de 17 ans pour négocier cette intervention. Mais celle-ci ne put sauver sa grande tante, Lucie, baronne de Langlade, qui fut assassinée à Auschwitz, malgré l’intervention de Philippe Pétain. Les Allemands ne purent l'identifier à temps, étant enregistrée sous le nom de « Girod », chez les uns alors que chez les autres elle l’était sous le nom de « de Langlade ». ." 

En mai 1940, lorsque Pétain, encore ambassadeur en Espagne, rentre en France, il voyage dans le même train que la baronne, qui séjournait à Biarritz avant l'armistice. 

Mme Girot de Langlade (coll. particulière)
À la différence de sa sœur, la baronne de Langlade n'a jamais obtenu son exemption d'étoile contrairement aux écrits de  plusieurs historiens, souligne son petit-fils Bernard. (10) 
La baronne sera arrêtée par des Allemands à son domicile du château de Cuts, le 3 janvier 1944 à l'heure du repas. 
À bord d'un camion bâché elle est dirigée sur Noyon et pensait qu'il s'agissait d'un simple contrôle d'identité. 
Le 4, elle passe la nuit au camp de Royallieu et sera transférée à Drancy le lendemain. 
Bernard de Langlade tente une explication à cette arrestation : « Les allemands ont profité du fait que ma grand-mère était veuve depuis 1931. Elle était plus vulnérable que sa sœur qui n'a pas été inquiétée » (11)
À Drancy, sa famille cherchera à la faire libérer. Enregistrée sous le patronyme de Langlade, les démarches entreprises concernaient une dame Girot... 
Le 20 janvier 1944 elle fera partie du convoi n° 66 pour Auschwitz où se trouvaient, entre autres, la soeur de l’écrivain Max Jacob, Myrté-Léa, le champion olympique de natation Albert Nakache, sa femme et sa fille, et les parents du résistant Raymond Aubrac
Le 24 janvier 1944, Mme Girot de Langlade sera gazée dès son arrivée au camp, à 61 ans. 


26 exemptions le 25 août 1942 

CDJC XXVa-164 - La note de Röthke sur les 26 exemptions accordées
25 août 1942 : près de trois mois après la promulgation de la 8e ordonnance, une note de Heinz Röthke, chef du service juif de la SS de Paris, fait état de 26 exemptions. 
Elle est adressée au chef de la Sûreté, Helmut Knochen. (12) 
En tête de liste se trouve l’épouse de l'ambassadeur François de Brinon, la marquise Louise de Brinon, née Jeanne-Louise-Rachel Franck (1896-1982), issue d'une famille de la bourgeoisie juive belge, cousine du journaliste Emmanuel Berl, qui rédigea les premiers discours de Pétain. 
Mariée à 20 ans, en 1916, avec le courtier Claude Ullmann, avec qui elle aura deux enfants, elle divorça en 1934. 
Veuve en 1936, elle avait rencontré Brinon en 1932 par l'intermédiaire de René Massigli, futur ministre des Affaires Étrangères de la France Libre et ami de son jeune frère Henri, mort en 1912 de la tuberculose. Brinon a alors 47 ans. 
Journaliste, licencié en droit et en sciences politiques, Brinon signa  en novembre 1933 une interview de Hitler parue dans le quotidien "Le Matin". 
À 39 ans, "Lisette", convertie au catholicisme, épousa religieusement François de Brinon le 15 novembre 1935. 

L’exemption accordée à Mme de Brinon, valable du 13 juillet au 31 août 1942, sera prolongée jusqu'au 30 novembre 1942. (13)
L'épouse de l'ambassadeur résidait alors au château de Chassagne à Felletin (Creuse). L’ambassadeur Abetz précisera à Brinon qu’il serait souhaitable que sa femme y séjourne sans interruption au cas où elle ne réside pas en zone occupée. Le journaliste Bernard Ullmann, qui consacrera un livre à sa mère, précise qu'elle s'échappe "le plus souvent possible" de la propriété familiale pour se rendre à Vichy, tout proche, et deux à trois fois par an à Paris, où elle descend à l'hôtel Bristol, se gardant bien de mettre les pieds dans l'hôtel particulier réquisitionné - propriété de la princesse de Faucigny-Lucinge, d'origine israélite - ou au bureau de son mari, place Beauvau. (13 bis) 
Suivent « trois exemptions sollicitées par le Maréchal Pétain » sans mentionner les noms des personnes bénéficiaires. 
D’après des documents datés du 1er juin 1943, signés du SS Hagen, adressés à Brinon, les trois certificats d’exemption ont bien été délivrés en faveur de Mesdames de Brinon, de Chasseloup-Laubat et Suzanne d'Aramon et seront renouvelés jusqu'au 31 août 1943. (14) 

La comtesse Suzanne Bertrand de Sauvan d'Aramon obtiendra deux attestations d'exemption datées des 13 juillet et 31 août 1942. (15) 
Née Stern en 1887, elle est l'épouse de Bertrand de Sauvan d'Aramon (1876-1949), député Fédération républicaine du XVe à Paris de 1910 à 1914 et de 1928 à 1940, qui vota les pleins pouvoirs à Pétain en juillet 1940. 
Fille du banquier Edgar Stern (1854-1937) et de Marguerite Fould (1866-1956) elle est la cousine de Marie-Louise et Lucie Stern. 
La comtesse d’Aramon a deux frères, Hubert (1893-1972) et le banquier Maurice Stern (1888-1962). (16) 
En dépit de son exemption d'étoile et de ses appuis familiaux, elle sera arrêtée à Espalion, dans l'Aveyron, le 6 juin 1944, avec d'autres Juifs. (17) 
Envoyée à Drancy le 25 juin 1944, elle échappa à la mort et meurt en 1954 à l'âge de 67 ans. 

Les 22 autres exemptions d'étoile sont accordées pour motif économique (8), le contre-espionnage à la demande de l'Abwehrstell (7), la police anti-Juive (6) - CDJC-XXVa-165, XXVa-166 - et une du bureau VI N1 (service de renseignement) en faveur de Josef Hans Lazar (1895-1961). 
Né à Istanbul, ancien attaché de presse à l'ambassade d'Autriche à Berlin, Juif pro-nazi, chargé par Goebbels de la propagande du Troisième Reich en Espagne franquiste à partir de 1938, marié à la baronne roumaine Elena Petrino Borkowska. Recherché après guerre il restera protégé par le régime de Franco. (18) 

Les revanches de l'histoire

La veuve du général Billotte, née Catherine Nathan (1883-1965) était la fille de Ezra Nathan et de Rebecca Finkelstein. Elle s'était mariée le 11 mai 1904 avec le général Gaston Billotte (1875-1940). 
Cet ancien gouverneur militaire de Paris en 1937, mourra accidentellement sur une route de Belgique, à l'issue d'une réunion destinée à couper l'offensive allemande de mai 1940. 
Leur fils, le colonel Pierre Billotte (1906-1992) fait prisonnier le 12 juin 1940 dans la bataille des Ardennes, s'évadera d'un oflag de Poméranie et deviendra le représentant de la France Libre à Moscou. 
Echangé contre des réfugiés russes à Londres, il devient chef d'état-major du général De Gaulle et participa au débarquement en Normandie avec la division Leclerc. 
Le 24 août 1944, la bataille de la Libération de Paris commence... Le groupement Billotte arrive à la Croix-de-Berny à 19 h. 
A 20 h 45, le capitaine Dronne prend l'Hôtel de ville avec quelques chars.
A 21 h 30, le groupement Langlade arrive au pont de Sèvres. Il est commandé par le neveu de la baronne de Langlade, Paul Girot de Langlade (1894-1980).
Issu du 1er régiment de chasseurs d'Afrique en 1940, il rallia la 2e DB du Gal Leclerc en 1943. 
Le 25 août 1944 à 7 h 45, Billotte entre dans Paris avec ses chars et à 10 h il adresse un ultimatum au général von Choltitz, lui demandant sa reddition
Le commandant du Gross-Paris qui devait détruire Paris sur ordre d'Hitler acceptera de se rendre. 
A 14 h, le groupement Billotte est rejoint par le groupement Langlade arrivé place de l'Etoile. Une demi-heure plus tard, ils obtiennent que le quartier général allemand installé à l'hôtel Meurice rue de Rivoli rende les armes.
Promu général de brigade en septembre 1944 Billotte commandera la 10e division d'infanterie formée avec des FFI. Général de division en 1946, il ira représenter la France à l'ONU. Elu député RPF en 1951, il devient ministre de la Défense nationale du gouvernement Edgar Faure en 1955-56. 
Pendant la guerre d'Algérie, il prend position contre la torture. De 1966 à 1968, il sera ministre des départements et territoires d'outre-mer. Maire de Créteil de 1965 à 1977, il a soutenu la candidature de Jacques Chaban-Delmas à la présidentielle de 1974.
Langlade continua la guerre jusqu'à la prise du Berghof, le refuge d'Hitler. Il termina sa carrière militaire comme directeur de l'école de cavalerie de Saumur (1947-50) et au Cambodge (1952-54).


(1) CDJC-LXXXVI-63 Verordnungsblatt - Journal officiel n° 63 du 1er juin 1942.
CDJC-XLIXa-13 Lettre du 14 mai 1942 de Theo Dannecker au sujet de l'ordonnance introduisant le port obligatoire de l'étoile jaune en France.
(2) CDJC-XLIXa-38 Note du SS-Obersturmführer Heinz Rôthke à Théodor Dannecker, chef de la section IV J de la Gestapo à Paris, chargé de la « question juive », représentant d’Eichmann en France. 
(3) CDJC-CDXXVIII-82 Huitième ordonnance allemande. 
(4) CDJC XLIXa-90a et Serge Klarsfeld : " L'Etoile des Juifs" (L'Archipel 1992), p. 128 
(5) AN F60 1485 
(6) Cyril Grange : les alliances de l'aristocratie avec les familles de financiers Juifs à PARIS, 1840-1940 : déterminants socio-démographiques et débat religieux (Armand Colin, 2014) p. 75-93 
(7) CDJC-XXVa-175
(8) Album du Maréchal Pétain, Maréchal de France, 1856-1951 (Editions André Bonne, 1951)  
(9) Courrier de l'Oise du 19 juin 1927 
(10) Dans la seconde édition de « Vichy et les Juifs » (Calmann-Lévy, 2015), pourtant actualisée, Robert O. Paxton écrit que le maréchal Pétain « souhaitait » des dérogations pour trois femmes : la comtesse d’Aramon, la marquise de Chasseloup-Laubat et sa soeur, Mme Pierre Girot de Langlade. Paxton citait en référence l’ouvrage de Léon Poliakov, « L’étoile jaune », paru en 1949 et réédité en 1999, qui était plus affirmatif : « par l’entremise de Brinon, le maréchal demanda et obtint trois exemptions pour des « épouses d’aryens » appartenant à la haute société » mais il précisait dans une note de lecture seulement deux exemptions accordées à « la comtesse d’Aramon, la marquise de Chasseloup-Laubat » et rajoutait prudemment « un troisième cas que nous n’avons pas pu identifier ». En 1985, Maurice Rajsfus dans « La police de Vichy » (Le Cherche Midi), évoque « un certain nombre de dérogations au port de l'étoile jaune » (p. 109). Il cite seulement celles accordées à Mme de Brinon, à la comtesse d'Aramon et à la marquise de Chasseloup-Laubat. En 2002, dans son livre « Opération Etoile Jaune » (Le Cherche Midi), au chapitre 6 sur les demandes de dérogations, il souligne qu'il « convient d'épargner l'humiliation de l'étoile jaune aux épouses de personnages proches du pouvoir ». Il cite à nouveau Mme de Brinon, la comtesse d'Aramon, la marquise de Chasseloup-Laubat, mais il rajoute le nom de Mme Pierre Girot de Langlade sans apporter de nouvelle référence documentaire. (p. 70) 
L’écrivain Pierre Assouline, dans son roman « Lutétia » (Gallimard, 2005, p. 266) ajoute au trouble en mentionnant aussi la prétendue exemption d’étoile de Mme Girot de Langlade. 
A ce jour, aucun document du fonds d’archives de la Gestapo, conservé par le Centre de Documentation Juive Contemporaine, n’atteste de la supposée exemption de Mme Girot de Langlade. 
(11) Entretien avec l’auteur - novembre 2015. 
(12) CDJC XXVa-164  
(13) CDJC-XXVa-174 
(13 bis) Bernard Ullmann : Lisette de Brinon, ma mère - Une Juive dans la tourmente de la Collaboration (Éditions Complexe, 2004) 
(14) CDJC-XXVa-206a 
(15) CDJC-XXVa-172 
(16) En avril 1937, les obsèques d’Edgar Stern seront célébrées par le grand rabbin de Paris Julien Weill. L’hôtel particulier des Stern, au 20, avenue Montaigne, sera occupé par les Allemands et pillé. Leur propriété de Villette à Pont-Saint-Maxence (Oise), achetée en 1900, sera également envahie par les troupes d’occupation et les Jeunesses pétainistes, avant de devenir un centre de convalescence pour prisonniers et les troupes américaines. Maurice Stern, marié avec Alice Goldsmith (1906-2008), verra sa descendance perpétuer la banque Stern, avec leur fils Antoine (1925-1995), et leur petit-fils Edouard Stern (1954-2005), mort assassiné. Maurice Stern sera déchu de la nationalité française, par un décret de Vichy du 6 septembre 1940, pour avoir quitté le territoire national, en application de la loi du 23 juillet 1940. Son nom côtoie ceux de l’ancien ministre de l’Air Pierre Cot, cinq membres de la famille de Rothschild, David David-Weill, les journalistes Geneviève Tabouis, Henri de Kerillis, Emile Buré, André Géraud « Pertinax » et Elie Joseph Bois, rédacteur en chef du « Petit Parisien ». 
(17) Christian Font et Henri Moizet « Les Juifs et l'antisémitisme en Aveyron », Savoir et Faire, CDDP de Rodez - CDIHP Aveyron - CRDP de Midi-Pyrénées, 1994. (18) Jose María Irujo : La liste noire: les espions nazis protégés par Franco et l'Église, Madrid, Aguilar, 2003.

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