En vain, des demandes individuelles d'exemption seront formulées. Souvent adressées aux préfectures, elles sont réexpédiées au ministère de l'Intérieur, qui répondait ne pas accorder de telles dispenses, ni même devoir les transmettre aux autorités allemandes.
Le Ministère de l’Intérieur répond à la demande du préfet du Loir-et-Cher (AD 41) |
Il souligne dans son courrier que les deux femmes sont « de race juive, mais de nationalité française ».
Le 13 juillet 1942, réponse négative.
Le 4 novembre, les deux femmes sont arrêtées pour « action anti-allemande ». Elles seront déportées respectivement à Sobibor le 25 mars 1943, dans le convoi n° 53, et à Auschwitz, le 31 juillet 1943, dans le convoi n° 58.
Le même jour, le ministère transmet une autre fin de non recevoir au préfet Bussière concernant la demande d’exemption de André Weidenbach, de Vendôme.
Il mettait en avant plus d’un siècle et demi d’ancêtres français, soulignait que son père avait été tué au champ d’honneur en 1915.
Il évoquait une « vexation morale très pénible » le fait d’être « montré du doigt comme ayant une tare alors que ma vie et celle de mes parents n’a toujours été que droiture », que sa femme était aryenne, que ses deux enfants étaient « de religion catholique » et qu’il n’avait lui- même « jamais opté pour la religion juive ». (74)
Jacques-Félix Bussière (1895-1955), nommé préfet du Loiret puis préfet régional à Marseille, nouera des contacts avec la France Libre pour préparer le débarquement allié en Provence, à partir du 15 août 1944.
Arrêté par la Gestapo le 14 mai 1944, il sera déporté à Neuengamme et trouvera la mort le 3 mai 1945, en mer Baltique, sur le « Cap Arcona ». Cet ancien paquebot transportait dans ses cales 6.500 déportés gardés par 500 SS. Il sera coulé par la Royal Air Force et l’on ne comptera que 150 survivants.
La carte d'identité avec le tampon "JUIVE" (archives départementales 37) |
Le 31 mai 1942, elle adresse une lettre au général chef de la Kommandantur de Paris, en vue d'une exemption d'étoile. (75)
« Je voudrais vous adresser une prière. Comme vous le savez, il est interdit de paraître en public, à partir du 7 juin, sans porter l'étoile jaune. Cela me chagrine beaucoup parce que je suis juive. Je suis femme et j'ai de la peine à concevoir que je ne pourrai plus me trouver en société sans provoquer chez certains un sentiment d'animosité. J'aime tous les êtres humains sans distinction, et me voir repoussée par ceux que j'aime, surtout par mes camarades de classe, me cause un vif chagrin. (...)
Je m'adresse donc à votre bonté, à vos sentiments humains qui, j'en suis sûre, sont aussi forts qu'en moi, et vous prie de bien vouloir me répondre avant le 7 juin, date à laquelle le décret entre en vigueur » ...
Pour seule réponse, Nelly sera arrêtée et déportée à Auschwitz par le convoi n° 8 du 20 juillet 1942 avec sa mère Alla, 54 ans.
Son père Stanislas, né à Lodz le 26 août 1883, directeur commercial chez Massey-Harris à Bordeaux sera également déporté vers Auschwitz le 11 septembre 1942, par le convoi n° 31.
A Meudon, l'archimandrite Serge Feffermann, un des plus hauts dignitaires de l'église russe orthodoxe, portait l’étoile, certains orthodoxes grecs et russes tombant sous le coup du statut des Juifs.
S'adressant au Commissariat général aux Questions Juives, il demande de ne plus porter l'étoile. Il rappelle avoir quatre grands parents juifs, mais souligne s'être converti dès l'âge de 16 ans : « Un demi-siècle passé au service de l’Église catholique orthodoxe pouvait me faire croire que jamais rien ne me rapellerait ma lointaine origine israélite.
Or, actuellement à cause de règlements, peut-être trop rigoureusement interprétés, je suis astreint à porter l'étoile de Sion que j'ai reniée à jamais, et qui comporte le plus douloureux sacrifice qui puisse être imposé à un prêtre, celui de ne pouvoir participer à la célébration de services religieux. »
Sa demande sera rejetée le 27 février 1943, au seul prétexte habituel, que seules les autorités allemandes « étaient qualifiées ». (76)
Fin de non recevoir également pour les demandes émanant d'associations ou de corps constitués comme l'Ordre des médecins, à la demande des Pr Leriche et Lemierre, en faveur de la veuve de Fernand Widal, mort en 1929, qui fut un ami de Pétain. (77)
Idem pour 28 sapeurs-pompiers de Paris, caporaux et sapeurs juifs de la réserve, suite à la requête du colonel Simonin, commandant du régiment, refusée par Oberg, chef supérieur de la SS et de la police. (78)
Victor Faynzylberg et ses enfants (dr) |
Autre demande refusée, celle de la Fédération des amputés de guerre pour les mutilés de guerre Juifs. (79)
Elle met en avant la situation de Victor Faynzylberg, ce soldat du 22e régiment de marche étranger (polonais) qui avait perdu sa jambe gauche en 1940. Sa femme Ita arrêtée en juillet 1942, il restait seul avec deux enfants en bas âge.
Faynzylberg, coiffeur boulevard de la Villette, s'était fait photographier avec ses deux enfants, et envoya le cliché au maréchal Pétain.
Sa croix de guerre et sa médaille militaire sont bien visibles.
Sa fille porte l'étoile. Le petit garçon, qui n'a pas encore six ans, ne la porte pas encore.
La réponse adressée le 23 juillet 1942, tient en sept lignes, formule de politesse comprise : « les autorités occupantes s'opposent à toute mesure de faveur ».
Finalement, Ita Faynzylberg sera déportée à Auschwitz par le convoi n° 34, le 18 septembre 1942.
Victor, arrêté chez lui, refusera d'obtempérer et se défendra à coups de béquilles.
La police l'emportera ligoté sur une civière, et il sera du convoi n° 68, du 10 février 1944.
A SUIVRE Le risque de ne pas porter l'étoile...
(74) AD 41 lettres n° 51096 et 51094 du Ministère de l’intérieur au préfet du Loir-et-Cher
(75) CDJC XLIXa-51b
(76) CDJC-XXXII-149/150 Lettre du 17 décembre 1942 de l'Archimandrite Serge Fefferman
(77) CDJC CXV-52 lettre du 25 juin 1942
(78) CDJC XLIXa-89 lettre du 15 juin 1942 de Karl Oberg
(79) CDJC-CCXXXVIII-117_001RE
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