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mardi 3 janvier 2012

Colette par amour pour son mari

Maurice Goudeket, le troisième mari de Colette, n'a pas obtenu d'exemption d'étoile malgré ses relations et une lettre très pro-allemande...

Maurice Goudeket et Colette
Maurice Goudeket doit beaucoup à Colette. Leur coup de foudre remonte à 1925 mais ils se marient après dix ans de vie commune, le 3 avril 1935. Il a 46 ans, elle en a 62.
Né le 3 août 1889, courtier en perles, Maurice Goudeket sera ruiné par la crise de 1929. Il devient représentant pour une marque américaine de machines à laver et Colette, qui a créé sa marque de produits de beauté, lui confie la direction de ses magasins en 1932.
Elle le poussera aussi dans les milieux du journalisme qu'elle connaît bien et Pierre Lazareff, le patron de «  Paris-Soir », l’embauche comme journaliste en 1938.
En juin 1940, le couple part se réfugier au château de Curemonte, en Corrèze, propriété de Colette de Jouvenel, la fille de Colette.
De retour à Paris, en septembre, Maurice Goudeket tombe sous le coup des lois anti-juives et il est arrêté par la Gestapo le 12 décembre 1941, à son domicile, au n° 9 de la rue de Beaujolais, dans le cadre de la "rafle des notables". Il se retrouve au camp de Compiègne-Royallieu. Ils sont 1043 juifs dans ce cas. (1)
Colette interviendra pour le faire libérer : " Il n'y a pas de démarche qu'elle ne fût prête à entreprendre, pas d'humiliation à affronter. Elle vit des collaborateurs, des Allemands. Qui l'en blâmera ? J'en eusse, je l'espère, fait autant ". (2)
Parmi ses relations, Sacha Guitry, Bertrand de Jouvenel, Suzanne Abetz (épouse française de l'ambassadeur d’Allemagne Otto Abetz), Drieu La Rochelle...
Robert Brasillach se rendra spécialement à l'hôtel Majestic - siège des officiers allemands - pour plaider la cause de Goudeket. (3)
Le 6 février 1942, Goudeket est libéré et part se cacher à Saint-Tropez et dans le Tarn, avant de revenir à Paris, où il restera cloitré dans une chambre de bonne, dépendant de l'appartement où Colette vit, au Palais-Royal, jusqu'à la Libération.
Colette se démènera aussi pour faire exempter son mari du port de l'étoile jaune : le 31 mai 1943, elle écrit au ministre de l'intérieur. (4)
" J'ai l'honneur de solliciter de votre haute bienveillance que mon mari, Maurice Goudeket, Israélite français, né à Paris le 3 août 1889, engagé volontaire 14-18, médaillé militaire, croix de guerre, croix du combattant, blessé cité, soit dispensé du port de l'étoile de Sion ".
Pour appuyer sa demande, elle souligne qu'à 70 ans, elle ne peut sortir seule pour se rendre à ses rendez-vous professionnels, en raison d'une arthrite de la hanche.
Colette ira jusqu'à mettre en avant sa notoriété outre-Rhin :
" Je me permets d'ajouter que mes livres et ma personne ont toujours reçu, en Allemagne, l'accueil le plus favorable (tournée de conférences à Berlin, Vienne).
D'autre part, les autorités occupantes m'ont témoigné, ici, chaque fois que l'occasion s'en est présentée, le maximum de courtoisie et de bienveillance.
L'an dernier, le Pariser Zeitung, me prodiguait des éloges sans restrictions.
De son côté, mon mari peut prouver, par de nombreux témoignages que sa vie civile et militaire, écartée de toute politique, fut toujours vouée à l'honneur, et je sais que les autorités occupantes font cas d'un tel détail.
Je n'hésite pas à me porter, pour l'avenir, garante de mon mari.
Espérant que si dans mon long passé j'ai pu rendre services aux lettres, vous voudrez bien prendre soin de ma demande, je mets ici, Monsieur le ministre, l'expression de mes sentiments de gratitude et de considération ".
Le 19 juin 1943, Joseph Antignac, directeur de cabinet au Commissariat général aux questions juives adresse une réponse négative, soulignant que la demande transmise aux autorités allemandes " n'a pas été prise en considération et qu'il m'a été répliqué qu'aucune dérogation n'était admise ".
Maurice Goudeket, après la mort de Colette en août 1954, lui consacra deux livres de souvenirs,  " Près de Colette ", paru en 1956, et " La douceur de vieillir ", en 1965. 
Remarié en 1959 à l’actrice Sanda Dancovici, veuve du couturier Lucien Lelong, il meurt à Neuilly le 28 janvier 1977 à 88 ans.


(1) Serge Klarsfeld, " Vichy-Auschwitz 1942 ", Les rafles de 1941 (Fayard, 1983, p.32)
(2) Maurice Goudeket, " Près de Colette " (Flammarion, 1956, p. 180 à 205)
(3) Gilles Ragache, Jean-Robert Ragache, " Des écrivains et des artistes sous l'Occupation 1940-1944" (Hachette, 1988, p.245)
(4) CDJC-CXIII-9 Lettres du 31 mai 194 et du 19 juin 1943 échangées entre Colette et Joseph Antignac, directeur de cabinet du Commissariat général aux questions juives.

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