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mercredi 8 février 2017

Qui sont les exemptés de l'étoile jaune ?

29 mai 1942 - 29 mai 2017 Soixante quinze ans après, l’étoile jaune mérite toujours de nouvelles recherches historiques.


Le journal officiel allemand, le Verordnungsblatt für die besetzten französischen Gebiete, publié en France depuis le 4 juillet 1940, promulgue le 29 mai 1942 le texte de la 8e ordonnance. Il interdit aux Juifs de zone occupée de paraître en public sans porter l’étoile jaune, dès l’âge de six ans.
Cette législation antisémite, entrée en vigueur le dimanche 7 juin 1942, sera maintenue jusqu’à la reddition allemande d’août 1944.

Elle constitue une rupture radicale avec ce que les Juifs français ont vécu jusqu’alors, l’objectif étant l’extermination de tout un peuple.

"Le Matin" du 1er juin 1942
Du jamais vu depuis la série d’expulsions et de massacres locaux voulus pour des raisons politico-religieuses dans le royaume de France : 
En 1182, Philippe Auguste expulse les Juifs puis les rappelle en 1198. 
Nouvelle expulsion avec Saint Louis en 1254, puis Philippe le Bel en 1306, et expulsion définitive avec Charles VI en 1394. 
Parallèlement, l’antijudaïsme chrétien veut s’imposer face au pouvoir royal : en 1215, au Concile de Latran, le pape Innocent III ordonne aux Juifs de porter des vêtements distinctifs de ceux des Chrétiens...
En 1269, le roi Saint Louis, en fin de règne, instaure la rouelle. 
Philippe le Bel, Louis X et Jean le Bon, signeront des ordonnances de confirmation de ce signe distinctif.
En 1322, le pape Jean XXII expulse les Juifs d’Avignon et du Comtat Venaissin mais en 1326, il les rappelle en imposant taxes supplémentaires, conversions et la rouelle dès 14 ans pour les garçons, et le voile dès 12 ans pour les filles.
Le « marquage » des Juifs traversa les siècles mais en 1942, l’unique objectif recherché en France comme dans tous les territoires occupés est la « Solution finale », inventée par les nazis.

L'antisémitisme français est une longue histoire : l’affaire Dreyfus, l’Action française de Charles Maurras, le rejet du Front Populaire de Léon Blum, le statut des Juifs d’octobre 1940 et la politique de collaboration de Vichy, le négationnisme d’après-guerre, la renaissance de l’extrême-droite, la guerre israélo-arabe devenu conflit israélo-palestinien...
Les faits s'accumulent avec la rumeur d’Orléans en 1969, l’attentat de la synagogue de la rue Copernic en 1980, jusqu’au crime barbare perpétré contre Ilan Halimi en 2006.

Antisémitisme et terrorisme islamiste

L’antisémitisme reste une constante de l’actualité, pétrie d’une haine sans cesse distillée, au point que le Conseil représentatif des institutions juives de France estime que les actes antisémites sont devenus un « phénomène de masse » en recrudescence, avec en moyenne, deux actes antisémites par jour, pour 2015.
Cette haine retrouve un nouvel élan avec l’émergence du terrorisme islamiste.
En mars 2012, à Toulouse, la tuerie de trois jeunes enfants et du rabbin professeur Jonathan Sandler, est commise par Mohamed Merah, à l’école Ozar Hatorah.
En juillet 2014, à Sarcelles, des violences graves terrorisent toute une communauté, puis
le 1er décembre 2014, à Créteil, un jeune couple est pris pour cible.
Le point culminant de l’horreur sera atteint le
9 janvier 2015 avec la prise d’otages sanglante, revendiquée par l’Etat islamique, du magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes à Paris, entraînant quatre Juifs dans la mort.
Robert Badinter, ancien ministre de la Justice, évoquant ces assassinats le 15 janvier 2015 sur France Info, dresse ce constat lucide : «
l’on est au dernier degré de l’inhumanité quand on course, on poursuit un enfant juif, c’était pour Mérah une petite fille juive, qu’on arrête par les cheveux et qu’on abat d’un coup de feu. Ça, c’est le retour de ce qu’on a connu du temps des SS. Il y a une filiation directe pour moi entre ce qui est advenu dans l’hypermarché casher et la barbarie nazie ».

En janvier 2016, à Marseille, des Juifs coiffés d’une kippa sont victimes d’une agression mais succombant à la peur, le président du Consistoire de la cité phocéenne ira jusqu’à conseiller à ses coreligionnaires de ne plus porter dans la rue ce symbole religieux. 
Une position aussitôt désavouée par le grand-rabbin de France Haïm Korsia et le Consistoire central. 
En 2017, le déni d'antisémitisme s'est ajouté à la longue liste avec le silence médiatique entretenu autour du meurtre de Sarah Halimi.

Antisémitisme et antisionisme

L’antisémitisme se nourrit désormais de l’antisionisme, affiché ouvertement par l’extrême gauche qui poursuit ses campagnes, pourtant jugées illégales, de boycott des produits israéliens.

La France est même le premier pays à relayer en novembre 2016 une directive européenne de 2015 obligeant l’étiquetage « colonie israélienne » sur les produits alimentaires issus du Golan et de Judée-Samarie.
On rajoutera à cet acharnement la participation honteuse de la France à la réécriture de l’histoire, lors de son vote en avril 2016, en faveur de la résolution de l’Unesco, niant les liens entre les Juifs et Jérusalem, suivie en octobre de son abstention confuse.


Faire la lumière sur les événements

Soixante quinze ans après l’étoile jaune du printemps 1942, la France semble installée dans une forme de banalisation du phénomène antisémite.
Mais lutter contre l’antisémitisme passe aussi par l’allumage des lumières de l’Histoire.
Simone Veil, dans un discours prononcé en septembre 2003, lors de l’inauguration du Centre d’étude de l’Holocauste et du génocide d’Amsterdam, déclarait : «
Aujourd’hui que les témoins disparaissent, l’historien a la responsabilité, plus que jamais, de faire la lumière sur les événements dont certains aspects sont encore à analyser ».


Soixante quinze ans après, l’étoile jaune conserve sa part d’ombre et déchaîne toujours les passions.
Peu d’historiens ont étudié l
es rares exemptions accordées au port de l’étoile qu’il s’agisse de Juifs français ou étrangers.
Pourtant, des archives existent mais le sujet reste tabou car il fait référence à une forme de privilège qui, à l’époque, n’a fait qu’attiser l’antisémitisme d’Etat ambiant.
Enfouis dans la mémoire de ceux qui ont pu échapper à la Shoah, ces passe-droits accordés sont lourds de chantages, de trahisons, de compromissions et d’appuis aux plus hauts niveaux du régime de Vichy et des autorités d'occupation.
S’ils ont permis un répit dans la traque anti-juive, et l’élaboration de stratégies de survie, ils interrogent nos consciences en raison des conditions parfois troubles de leur obtention.
En cette date anniversaire, il n’est pas trop tard pour éclairer cette réalité dérangeante, pour en savoir plus sur les exemptés de l’étoile jaune. 


Thierry Noël-Guitelman


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