Dès septembre 1940, le gouvernement de Vichy a mis en place une politique d'antisémitisme d'Etat avant de devenir complice de la "Solution finale" voulue par les nazis.
Des dates oubliées doivent être rappelées tant la mémoire collective est devenue amnésique :
Des dates oubliées doivent être rappelées tant la mémoire collective est devenue amnésique :
- 27 septembre 1940 : le Militärbefehlshaber publie sa première ordonnance visant les Juifs de la zone Nord (français ou étrangers) pour se faire recenser avant le 20 octobre. Ce recensement effectué par les autorités françaises entraîna la création du Fichier des Juifs de la Préfecture de police.
- 3 octobre 1940 : promulgation du premier Statut des Juifs, signé par Pétain, sans aucune pression allemande. Il excluait les Juifs de tous les postes de la fonction publique, de la presse et du cinéma, et des professions libérales. En outre, il proclamait la notion de race juive, alors que l'ordonnance allemande du 27 septembre ne faisait référence qu'à la religion juive. Le document original, annoté de la main de Pétain, révélé en 2010 par Serge Klarsfeld, atteste de son profond antisémitisme, durcissant le texte initial. Alors que le projet prévoyait d'épargner les " descendants de Juifs nés français ou naturalisés avant 1860 ", le maréchal rayera cette mention. A la main, il complètera également le texte de façon à exclure totalement les Juifs, français et étrangers, de la justice et de l'enseignement.
Ces annotations font de Pétain un acteur véritable de la politique antijuive (Document Mémorial de la Shoah) |
- 4 octobre 1940 : une loi de l'Etat français autorise l'internement de 40 000 juifs étrangers dans des camps de la zone sud et la première grande rafle collective - dite du "billet vert" - a lieu 14 mai 1941, visant les Juifs polonais, tchécoslovaques et autrichiens, âgés de 18 à 40 ans. Ils avaient été convoqués par la police parisienne... 3 747 juifs seront envoyés dans les camps du Loiret de Beaune-la-Rolande.
- 29 mars 1941 : création du Commissariat général aux questions juives (CGQJ), dirigé par Xavier Vallat, puis fin 1941, par Louis Parquier de Pellepoix.
- 2 juin 1941 : promulgation du deuxième Statut des Juifs qui allonge la liste des professions interdites avec une restriction de principe pour l’accès à une « profession libérale, une profession commerciale, industrielle ou artisanale, ou une profession libre ». La loi du 17 novembre 1941 étendra encore la liste des interdictions professionnelles.
- 21 juin 1941 : numerus clausus fixé à 3 % pour les étudiants juifs à l’université.
- 22 juillet 1941 : loi sur " l’aryanisation " des biens juifs. Elle vise à « éliminer toute influence juive dans l’économie nationale » et autorise la nomination des administrateurs provisoires pour procéder à la liquidation des biens, entreprises et immeubles, que l’État peut aussi confisquer.
- 13 août 1941 : "Il est interdit aux Juifs d'avoir des postes récepteurs de TSF en leur possession". Ils devront les remettre aux maires ou aux commissariats de police.
- 7 février 1942 : "Il est interdit aux Juifs d'être hors de leurs logements entre 20 heures et 6 heures, de changer le lieu de leur résidence actuelle". Sanctions : emprisonnement, amende et internement possible dans un "camp de Juifs".
- 27 mars 1942 : premier convoi de déportés juifs parti de la gare du Bourget pour Auschwitz-Birkenau, avec 1 112 hommes. Dix-neuf seulement en reviendront.
- 8 juillet 1942 : "Interdiction de fréquenter des établissements de spectacle et autres établissements ouverts au public". "Les Juifs ne pourront entrer dans les grands magasins, les magasins de détail et artisanale ou y faire leurs achats ou les faire faire par d'autres personnes que de 15 h à 16 h".
- 16 juillet 1942 : la rafle du Vélodrome d'Hiver, dans le 15e arrondissement de Paris. Organisée par René Bousquet, secrétaire général de la police nationale nommé en avril 1942 par le chef du gouvernement Pierre Laval, elle permet avec le concours actif de 7000 policiers et gendarmes, l'arrestation de 13 152 Juifs : 4 115 enfants, 5 919 femmes et 3 118 hommes.
René Bousquet (1909-1993) aux côtés de Pierre Laval (1883-1945) |
A la Libération, après trois ans de prison, il sera acquitté par la Haute Cour de justice tout en étant frappé d'indignité nationale.
"Oublié" pendant près de 40 ans, l'ancien haut fonctionnaire effectuera après guerre une carrière d'homme d'affaires. Il siègea dans plusieurs conseils d'administration (Banque d'Indochine, le quotidien régional La Dépêche du Midi, la compagnie aérienne UTA).
Ami personnel de François Mitterrand de longue date, Bousquet aurait bénéficié du soutien du président de la République pour freiner de nouvelles poursuites. Une plainte sera notamment déposée pour crimes contre l'humanité par l'association des Fils et filles de déportés juifs de France, mais, à la veille de son procès, il est assassiné de cinq balles tirées le 8 juin 1993 à la porte de son appartement, par un "déséquilibré", Christian Didier, condamné à dix ans de réclusion qui mourra à 71 ans des suites d'un cancer en 2014.
(voir la vidéo du discours - INA) |
- Ce n'est que le 16 juillet 1995, peu de temps après son élection à la présidence de la République, que Jacques Chirac, à l'occasion du 53e anniversaire de la rafle, reconnaît officiellement la responsabilité des crimes de l'Etat français, jusqu'alors niée par les présidents successifs de la Ve République : " Oui, la folie criminelle de l'occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l'État français. La France, patrie des Lumières, patrie des Droits de l'homme, terre d'accueil, terre d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable."
D'après "Les Juifs sous l'Occupation", recueil de textes officiels français et allemands, 1940-1944. Centre de documentation juive contemporaine et Association Les fils et les filles des déportés juifs de France.
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