Serge Klarsfeld était l'invité du Musée de la Résistance et de la Déportation de Haute-Garonne, le 23 février 2016.
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Serge Klarsfeld : " Il faut s'engager " |
Militant de la mémoire de la Shoah, Serge Klarsfeld est venu présenter à Toulouse, dans l'hémicycle du conseil départemental, son dernier ouvrage, "Mémoires", co-écrit avec son épouse Beate (Fayard-Flammarion, 2015).
A ses côtés, symboles de la poursuite du travail de mémoire, les jeunes historiens Alexandre Doulut et Sandrine Labeau, pour " 1945, les rescapés Juifs d'Auschwitz témoignent " (Après l'oubli - FFDJF, 2015). Le débat était animé par Hubert Strouk, coordinateur régional du Mémorial de la Shoah et Guillaume Agullo, directeur du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation.
Celui qui, depuis son mariage en 1963 avec Beate Klarsfeld, s'est engagé dans ce combat sans relâche pour ne pas oublier, garde le cap, renforcé dans ses convictions par la progression de l'antisémitisme, du terrorisme et le fondamentalisme islamiste.
"La Shoah continuera d'interpeller nos sociétés occidentales pendant très longtemps" a déclaré l'historien-avocat qui rappela son parcours.
Né en 1935 en Roumanie, celui qui échappa à la Gestapo en 1943, à Nice, a vu son père déporté vers Auschwitz. Sa rencontre avec la fille d'un ancien officier de la Wermacht, a permis d'unir leur destin, pour comprendre et dénoncer ce qui allait devenir la plus grande tragédie du vingtième siècle.
" Nous avons été plongés dans l'exceptionnalité. On peut s'engager et agir sur l'Histoire " a souligné Serge Klarsfeld en rappelant l'épisode de la gifle donnée par Beate, en 1968, au chancelier allemand, ex-nazi, Kurt Kiesinger. Un acte militant fondateur qui a permis de réveiller les consciences, des deux côtés du Rhin et bien au delà.
S'engagea alors une action de longue haleine pour retrouver les anciens criminels nazis et les faire juger.
" Notre premier combat a été d'épurer la société allemande. Puis, ce fut Vichy et c'est à Toulouse, en février 1973, que Beate, revenant de Bolivie, sur les traces de Klaus Barbie, rappela le rôle joué en France par René Bousquet, qui a sévi ici." (voir NDLR)
Serge Klarsfeld rappela également les actions menées contre Paul Touvier, seul français condamné pour crimes contre l'humanité en 1994 (grâcié en 1971 par le président Pompidou), et Maurice Papon, ancien secrétaire général de la préfecture de Bordeaux, devenu ministre, condamné à dix ans de réclusion criminelle en 1998.
Les menaces existent...
De l'association des Fils et
Filles de déportés juifs de France, créée en 1979, à la parution des
Mémorials de la Shoah en 1978 et 2012, Serge et Beate Klarsfeld n'ont
jamais baissé les bras.
Ils poursuivent leur combat, passant le
relais à la nouvelle génération.
Serge Klarsfeld a d'ailleurs co-signé
le livre "1945, les rescapés Juifs d'Auschwitz témoignent", rappelant
qu'il confia ses archives à Alexandre Doulut qui décrypta les auditions
faites après guerre par le ministère des Anciens Combattants.
Il salua
fraternellement la Toulousaine Marise Crémieux-Hurstel, 88 ans, auteur
de " Journal d'une adolescente juive sous Vichy " (Privat, 2016), écrit à
l'initiative de sa belle-fille Nicole Zimermann, journaliste. Avec émotion elle lui a
remis le manuscrit original de ses carnets de jeunesse qui ira rejoindre le Mémorial de la Shoah à
Paris. Une transmission effectuée en présence de Jacques Fredj, qui
dirige l'institution.
La parole longtemps enfouie, que la société française ne voulait pas entendre, est désormais protégée...
Pour
l'avenir, malgré l'inéluctable disparition des derniers témoins, Serge
Klarsfeld reste confiant en dépit du contexte actuel :
"il a fallu
une bonne trentaine d'années pour se rendre compte du crime commis. Avec
les historiens, l'avenir de la mémoire est garanti. Mais devant la
montée des extrêmes et l'antisémitisme, l'avenir politique n'est pas
garanti. Les menaces existent toujours et c'est pourquoi il faut
s'engager" a-t-il conclu.
Thierry Noël-Guitelman
NDLR : L'organisateur de la rafle du Vel d'Hiv, secrétaire général de la police de Vichy, proche de François Mitterrand, réussit à échapper à l'épuration malgré sa comparution devant la Haute Cour de Justice qui l'acquitta. Radié de la fonction publique il fit partie du conseil d'administration du journal régional La Dépêche de 1959 à 1971. En 1991, il est inculpé de crimes contre l'humanité mais il sera assassiné de cinq balles de révolver à son domicile parisien).
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Dédicace de Serge Klarsfeld à un rescapé du camp de Dora |
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Sandrine Labeau |
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Alexandre Doulut |
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Mme Crémieux-Hurstel |